Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel ainsi que votre rôle actuel à l’ESA ?
Isabelle Duvaux-Béchon : Je suis conseillère Senior à l’ESA (1), apportant une expérience variée en ingénierie et en stratégie. Après avoir travaillé dans l’industrie pendant quatre ans, j’ai intégré l’ESA où j’ai occupé divers postes, notamment en tant qu’ingénieure sur des projets de microgravité et de la Station spatiale. Au fil des années, j’ai élargi mes activités pour inclure des domaines tels que le budget, l’éducation, la stratégie et les finances. Plus récemment, j’ai été chargée des relations avec les États membres et de la coordination de la préparation de la dernière conférence ministérielle.
Pouvez-vous nous expliquer votre approche dans la coordination des activités transversales à l’ESA ?
Mon rôle consiste à identifier les sujets transversaux et à mobiliser les ressources de différentes directions pour travailler ensemble sur ces sujets. Par exemple, j’ai initié des travaux sur l’énergie en lien avec les objectifs de l’Union européenne en 2008. C’était l’époque où l’Union européenne avait défini sa politique “20 20 20” (2) → 20 % d’énergies renouvelables, 20 % d’économies d’énergie et 20 % d’efficacité énergétique. On s’était dit : grâce aux satellites et aux applications : on doit pouvoir contribuer à ces objectifs, donc on avait fait une réunion de travail avec des représentants de toutes les directions pour demander des idées, ce qui a permis d’identifier une quinzaine de petits projets qui pourraient tous contribuer à atteindre ces objectifs-là. Depuis, ces activités ont été élargies aux domaines de l’Arctique, des océans et du développement durable. L’objectif est de répondre aux besoins des utilisateurs et de favoriser une approche intégrée des problématiques spatiales.
Comment gérez-vous les attentes des États membres de l’ESA concernant les programmes spatiaux proposés ?
Les attentes des États membres se reflètent dans les programmes spatiaux que nous proposons. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux pour élaborer des programmes qui répondent à leurs besoins, que ce soit en termes industriels, de politiques publiques ou d’applications technologiques. Nous cherchons également à promouvoir des initiatives transversales qui maximisent l’utilisation des ressources spatiales et répondent à des enjeux sociétaux comme le développement durable.
Pouvez-vous nous présenter le projet « Arctique » de l’ESA et les étapes de sa réalisation ?
Le projet « Arctique » (3) vise à répondre aux besoins spécifiques de cette région en matière de sécurité, d’environnement et d’infrastructures, car c’est une zone éloignée avec des contraintes thermiques, peu d’habitants, présentant des contraintes de sécurité des personnes et sécurité des infrastructures, avec trop peu de solutions sur place. Lancé en 2012 en réponse à une communication de l’Union européenne, le projet a impliqué à partir de 2016 les Etats-membres de l’ESA, en particulier les quatre États nordiques et a conduit à l’identification de besoins non couverts en télécommunications et en météorologie. Ces deux trous capacitaires ont été identifiés en 2018, le premier sur les télécommunications à large bande : les satellites géostationnaires s’avéraient trop inclinés par rapport à l’arctique et ne servaient pas correctement le secteur. Deuxièmement, la question de la météo en Arctique ; alors que le secteur présente des phénomènes beaucoup plus importants qu’ailleurs, les satellites météo sont en orbite géostationnaire sont peu précis, peu efficaces pour voir ce qui se passe en zone arctique.
Grâce à une collaboration étroite entre l’ESA et ses partenaires, nous avons développé des solutions innovantes telles qu’un démonstrateur de météo arctique, dont le lancement est imminent. Le projet est toujours en cours. En 2019, EUMETSAT a exprimé son intention de reprendre les programmes en cas de succès du démonstrateur, afin d’en faire un service, compte tenu de leurs services actuels de MétéoSat. Un accord a été conclu avec EUMETSAT avant même le lancement du démonstrateur pour assurer la continuité du projet, notamment en offrant un service météorologique pour la zone Arctique.