Quel avenir peut-on observer avec toutes ces solutions émergentes ?
Ces solutions pourraient permettre de désenclaver des zones et de permettre aux gens de rester chez eux en offrant des opportunités de télétravail et de communication. Elles pourraient également stimuler l’économie locale en permettant aux petits métiers de trouver de nouveaux débouchés grâce à Internet. La télémédecine pourrait également éviter des déplacements inutiles en offrant des services médicaux à distance.
Envisagez-vous un risque accru d’encombrement orbital compte tenu de l’évolution constante du domaine spatial, incluant l’arrivée de nombreux projets, le développement de startups, etc. ?
Oui, il existe un risque d’encombrement orbital si nous continuons à lancer des dizaines de milliers de satellites. Une coordination internationale est nécessaire pour gérer ce trafic et éviter les collisions. La question de savoir qui a le droit de lancer des satellites est complexe et nécessite une discussion approfondie.
La signature de la Charte zéro débris (11) pourrait être un premier pas vers une meilleure gestion de l’environnement spatial en encourageant la coopération et le partage des technologies pour réduire les débris en orbite. Elle a été proposée aux États membres pour signature en mai, puis aux industriels en juin. Bien qu’elle n’ait pas encore été signée, nous avons sollicité des intentions de signature et estimons qu’environ une centaine de futurs signataires sérieux sont intéressés, qu’ils soient de grandes entreprises, de petites entreprises ou des États. L’intérêt de cette charte réside dans le fait qu’elle a été élaborée en collaboration avec les parties prenantes. Actuellement, des guides technologiques sont en cours de développement, et les signataires s’engagent à partager leurs idées technologiques afin de collaborer à la réduction des débris spatiaux et à la réparation en orbite, entre autres. L’idée est de bénéficier des avancées technologiques mutuelles dans leur ensemble. Personne ne souhaite que son propre satellite soit endommagé par un autre, ce qui pourrait rendre les orbites inutilisables. Ainsi, la signature de la charte pourrait constituer un avantage concurrentiel. Nous n’en sommes pas encore à dire que nous passerons des contrats exclusivement avec les signataires, mais cela représentera certainement un moment clé dans le processus.
Propos recueillis à Paris par Axelle Albera en avril 2024.
Notes
1 – ESA est l’acronyme de l’Agence Spatiale Européenne (European Space Agency en anglais). Il s’agit d’une agence intergouvernementale chargée de coordonner les différents projets spatiaux européens.
2 – Le paquet énergie-climat 2020 aborde de manière intégrée les enjeux énergétiques et climatiques. Il repose sur trois grands objectifs :la réduction de 20 % des émissions de GES de l’Union européenne par rapport à 1990, la réduction de 20 % de la consommation énergétique européenne par rapport à l’augmentation tendancielle, une part de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale. Le premier objectif (atténuation) et le troisième (énergies renouvelables) sont juridiquement contraignants en particulier au travers d’objectifs assignés à chaque pays. Si pour le deuxième (efficacité énergétique) l’objectif global demeure non contraignant, il n’en va pas de même des mesures instaurées par la directive adoptée en 2012.
3 – La mission AWS de l’ESA est une mission prototype qui vise à améliorer les prévisions météorologiques dans l’Arctique – une région qui manque actuellement de données pour des prévisions précises à court terme.
Le satellite s’appuiera sur les satellites existants de surveillance de l’Arctique et fournira des prévisions météorologiques précises et à court terme pour la région arctique. Il est équipé d’un radiomètre micro-ondes à balayage par déviation à 19 canaux qui fournira des sondages de l’humidité et de la température à haute résolution de l’atmosphère quelles que soient les conditions météorologiques.
4 – En 2018, l’ESA est devenue la première agence spatiale à disposer d’un catalogue de projets spatiaux soutenant les Objectifs de développement durable. Ce dernier fournit des exemples de la façon dont l’espace soutient déjà les ODD, en rendant plus visible la valeur ajoutée des données, des applications et des technologies spatiales qui aident à relever les défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Les satellites d’observation, de télécommunications et de navigation fournissent par exemple des indicateurs et des informations essentiels sur les cibles et sur la réalisation des objectifs liés entre autres à la pauvreté, à la sécurité alimentaire à la qualité de l’eau ou des sols.
5 – Early Warning for All est une initiative révolutionnaire visant à s’assurer que tout le monde sur Terre est protégé contre les conditions météorologiques, l’eau ou les événements climatiques dangereux grâce à des systèmes d’alerte précoce qui sauvent des vies d’ici la fin de 2027.Les systèmes d’alerte précoce ont contribué à réduire le nombre de décès et à réduire les pertes et les dommages résultant de conditions météorologiques, d’eau ou d’événements climatiques dangereux. Mais des lacunes majeures subsistent, en particulier dans les petits États insulaires en développement et les pays les moins avancés.
6 – Le programme de sécurité civile à partir de l’espace est un programme multidisciplinaire combinant à la fois en amont et en aval des domaines de la Satcom et de l’observation de la Terre, afin d’intégrer les compétences européennes dans les produits/services aux parties prenantes de la sécurité civile pour la surveillance, l’atténuation et la résolution des événements de sécurité civile et de crise. CSS est une brique élémentaire contribuant à la vision de l’ESA pour l’accélérateur de l’ESA R3 (« Rapid and Resilient Crisis Response »), qui fera partie de la future réunion ministérielle de l’ESA en 2025.
7 – La Charte internationale Espace et catastrophes majeures est une initiative de collaboration internationale, grâce à laquelle des données et des informations satellitaires sont disponibles au profit des organisations de gestion de crise en cas de catastrophes majeures
8 – ICEYE a développé un micro-satellite d’une masse de 70 kg dénommé ICEYE-X, il est le premier système de moins de 100 kg équipé d’un radar à synthèse d’ouverture. Il représente aussi le premier satellite commercial finlandais.
9 – Une variable climatique essentielle (Essential Climate Variable) est une variable physique, chimique ou biologique ou un groupe de variables liées qui contribue de manière critique à la caractérisation du climat de la Terre. GCOS spécifie actuellement 55 ECV. Les ensembles de données ECV fournissent les preuves empiriques nécessaires pour comprendre et prédire l’évolution du climat, pour guider les mesures d’atténuation et d’adaptation, pour évaluer les risques et permettre l’attribution des événements climatiques aux causes sous-jacentes, et pour étayer les services climatiques. Ils sont tenus de soutenir le travail de la CCNUCC et du GIEC.
10 – L’UNICEF et l’Union internationale des télécommunications ont uni leurs forces pour créer Giga : une initiative mondiale visant à connecter chaque école à Internet d’ici 2030.
11 – S’appuyant sur une décennie de travaux menés à travers l’Agence, l’ESA a mis en place sa propre norme interne audacieuse visant à limiter considérablement la production de débris sur les orbites terrestre et lunaire d’ici 2030 pour toutes les missions, programmes et activités futurs de l’Agence : « l’approche Zéro Débris » de l’ESA. Mais l’exploration de l’espace est une entreprise mondiale au bénéfice commun de l’humanité, et la durabilité à long terme de l’espace nécessitera des actions et des changements de la part de tous. L’ESA encourage la Charte Zéro Débris, une initiative mondiale permettant à toutes les entités du secteur spatial de signer et de poursuivre l’objectif commun d’un avenir Zéro Débris.