Du côté des microlanceurs plus conventionnels, Latitude et Hypr-Space sont en France les deux sociétés les plus avancées, avec des vols inauguraux prévus à l’horizon 2025. La première, implantée à Reims, mise sur un modèle commercial particulièrement réactif et flexible (impression en 3D, propulsion liquide…). La seconde, à Bordeaux, met en avant sa solution de rupture de propulsion hybride, dont l’un des atouts dans l’architecture du moteur est qu’il est possible de choisir le couple d’ergols, et donc éventuellement des ergols liquides stockables, ce qui permet de ne pas avoir à faire le plein du lanceur sur le pas de tir. Une telle capacité permettrait une mise en œuvre beaucoup plus simple qu’avec une propulsion liquide standard cryogénique, mais aussi qu’avec la propulsion solide, puisque non pyrotechnique. Des facilités logistiques et opérationnelles qui constituent un atout dans le cadre d’une composante réactive. HyprSpace, parmi ses nombreux soutiens, reçoit justement l’appui technique de la DGA Essais Missiles à Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux. Il apparaît donc qu’à l’heure des choix, la France aura devant elle plusieurs modèles à évaluer et dont disposer, une chose assez rare pour être soulignée.
La génération de microlanceurs en développement vise les orbites basses (2 000 km maximum), pour des charges utiles en moyenne situées sous la barre des 500 kg. Or, s’il est vrai que ces orbites ne concentrent qu’une partie des actifs militaires, comme les précieux satellites d’imagerie, ce sont elles aujourd’hui qui cristallisent les inquiétudes (hausse du trafic, débris, actes hostiles). C’est la raison pour laquelle certaines agences regardent de nouveau attentivement vers la VLEO (very low earth orbit). L’usage des orbites les plus basses, entre 150 et 300 km, permet notamment de réduire de moitié le coût des instruments optiques, qui à cette altitude n’ont plus besoin d’être protégés des radiations cosmiques. De plus, une propulsion électrique associée à un profil légèrement aérodynamique peut limiter les effets de la traînée atmosphérique durant ces missions forcément courtes, la VLEO ayant l’avantage comme l’inconvénient de s’autonettoyer en quelques jours.
Les satellites VLEO pourraient constituer une option intéressante pour le lancement réactif, en synergie avec les plus petits lanceurs, notamment aérolargués. États-Unis, Chine, Japon ou Europe étudient déjà ce potentiel pour des capacités qui vont de l’imagerie de précision (jusqu’à 0,5 m !) aux télécommunications, en passant par la détection de menaces NRBC.
Le concept Skimsat de Thales Alenia Space et Qinetiq (© TAS)
Notes
(1) Corey Crowell et Sam Bresnick, « Defending the Ultimate High Ground : China’s Progress Toward Space Resilience and Responsive Launch », Center for Security and Emerging Technology, juillet 2023.
(2) À l’époque, c’est cette version du Rafale qui a le plus de bagage opérationnel, étant entrée en service dans la Marine nationale en 2004. Son train d’atterrissage renforcé, et rehaussé, le rend de surcroît parfaitement adapté à recevoir le MLA en point d’emport ventral. L’Eurofighter aurait, pour sa part, dû porter le lanceur sous son aile.
(3) Officiellement, les autorités militaires comme politiques françaises ne se sont pas positionnées sur cette problématique, mais déclarent régulièrement y rester attentives.
Légende de la photo en première page : À Bordeaux, la société HyPrSpace (Hybrid Propulsion for Space) développe un microlanceur qui, théoriquement, pourrait assez bien répondre à des besoins militaires, notamment pour des lancements en orbite basse sous courts préavis. Le développement d’une telle capacité va cependant nécessiter de profonds changements organisationnels et culturels, aussi bien dans l’industrie que dans les forces. (© HyPrSpace)