Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

Islamisme et islam politique : tour d’horizon, enjeux et évolutions

En Iran, le pouvoir autoritaire et répressif des mollahs s’est donné à voir, de manière éclatante, à l’occasion de la (mise à) mort de Mahsa Amini, une étudiante iranienne d’origine kurde de 22 ans, le 16 septembre 2022, après avoir été interpellée par la police des mœurs pour « port de vêtements inappropriés ». Bien que les autorités contestent la responsabilité de la police dans le décès de la jeune femme, des présomptions sérieuses de son implication demeurent, ce que confirme d’ailleurs en quelque sorte la répression violente qu’a déployée le régime pour contenir les manifestants sortis dans la rue en mémoire de la victime et pour s’opposer à l’autoritarisme de la République islamique.

Au vu de la situation actuelle en Palestine, de nouvelles dynamiques politiques pourraient-elles se dessiner dans la région ?

Dans le monde arabe, à peu d’exceptions près, de l’extrême gauche anti-islamiste aux islamistes légalistes, tous estiment que le Hamas est un mouvement de résistance contre la politique expansionniste et annexionniste israélienne. Sans cautionner forcément la mort de civils, les viols et les enlèvements successifs aux attaques du 7 octobre, perpétrés pour l’essentiel par les Brigades al-Qassam [branche militaire du Hamas], ils estiment néanmoins qu’ils sont la résultante de décennies d’occupation et de brutalisation de l’État hébreu et de son armée contre les civils palestiniens privés d’État et de l’application des résolutions onusiennes. En d’autres termes, cela signifie concrètement que la réplique armée extrêmement violente du gouvernement Netanyahou sur la bande de Gaza, dont les principales victimes sont des femmes et des enfants, a remis sur le devant de la scène régionale et internationale la question palestinienne, que d’aucuns croyaient reléguée au second plan après la signature des accords d’Abraham de 2020 sous la houlette des États-Unis pendant la présidence Trump. Le contexte actuel de guerre profondément asymétrique renforce ce faisant aussi bien l’assise populaire des islamistes en général que celle du Hamas en particulier, surtout en Palestine et dans le monde majoritairement musulman.

Propos recueillis par Alicia Piveteau le 12 mars 2024.

Légende de la photo en première page : Juillet 2022, manifestation contre le procès de Rached Ghannouchi devant le pôle anti-terrorisme à Chargula, en Tunisie. Apparu sur la scène politique en 2011, le parti islamiste Ennahda a fermé ses bureaux en avril 2023 et a vu son chef de file et fondateur, Rached Ghannouchi, arrêté à la suite de déclarations affirmant que la Tunisie serait en proie à une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique étaient éliminés. (© Shutterstock)

Article paru dans la revue Les Grands Dossiers de Diplomatie n°79, « Géopolitique des religions », Avril-Mai 2024.

À propos de l'auteur

Haoues Seniguer

Spécialiste des rapports entre islam et politique en France et de l’islamisme au Maroc, maitre de conférences à Sciences Po Lyon, chercheur au laboratoire Triangle (CNRS/ENS, Lyon).

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