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Le renouveau du missile sol-sol en Europe

Comparativement, deux exemplaires de son successeur, le PrSM (Precision strike missile), peuvent être tirés d’un conteneur de lancement de même dimension. L’engin, conçu et produit par Lockheed Martin, a une portée nettement plus importante, de plus de 500 km, et sa vitesse terminale est supérieure à celle de l’ATACMS. Il est doté d’une charge explosive unitaire de 91 kg – comme les GMLRS – et son guidage, reposant sur une combinaison GPS/inertiel pour les premiers missiles (Increment 1), comprendra à terme un guidage terminal multimode, en cours de développement depuis 2020. Il permet notamment de se verrouiller sur les émissions radio et radar, la poursuite de cible terminale s’effectuant par imageur infrarouge. Ces modalités offrent donc une capacité de tir contre des cibles en mouvement, une aptitude utile pour les missions antinavires considérées comme prioritaires pour l’US Navy. Les premiers PrSM de série ont été livrés à l’US Army en décembre 2023, mais les travaux de développement se poursuivent. Il est ainsi question d’accroître la portée des Increment 4, entre-temps devenu Long range maneuverable fires missile (LRMF), à environ 1 000 km. Pour l’instant, il n’a pas encore été commandé. Le PrSM sera acheté par le Royaume‑Uni.

Israël, Corée du Sud : les prétendants

Si l’ATACMS règne en maître sur le marché européen, la Corée du Sud a fait une apparition remarquée, avec la vente du K239 Chunmoo en Pologne. Mesure de compensation à l’arrivée tardive des M‑142 HIMARS, le programme Homar‑K s’est toutefois développé au point d’intégrer le KTSSM‑2, ou CTM‑290. Fin avril 2024, un test est ainsi mené depuis un Homar‑K en présence d’officiels polonais, juste avant la signature d’une nouvelle tranche d’achat de K239. Il semble par ailleurs que le missile sera produit à terme en Pologne. L’engin est une évolution du KTSSM de 180 km de portée et doté d’une charge de 500 kg. Développé à partir de 2022, sa portée passe à 290 km et il est doté d’une charge unitaire ou à fragmentation d’une masse inconnue, son guidage combinant GPS et centrale inertielle. Chaque pod de lancement contient un missile.

Israël a également fait une percée remarquée en Europe, avec la vente au Danemark et aux Pays-Bas de son PULS – qui pourrait également être acheté par l’Allemagne. Le système est, comme le M‑142 et le K239, modulaire et permet le tir de différents types de roquettes, mais aussi, potentiellement, de missiles. En l’occurrence, IMI (Israel Military Industries) en propose deux types. D’une part, l’EXTRA, de 150 km de portée, avec quatre engins par pod, doté d’un guidage GPS/inertiel, qui évolue dans le haut supersonique, avec une charge de 120 kg, unitaire de pénétration ou à fragmentation. Il est produit depuis 2016, est en service dans les forces israéliennes et a été exporté pour l’heure en Azerbaïdjan. Il en existe une version à lancement aérien, le Rampage. On note qu’Elbit indique qu’il peut aussi être tiré depuis des M-142 et M-270.

D’autre part, le Predator Hawk est un engin plus massif, d’une portée de 300 km et dont deux exemplaires peuvent être tirés d’un pod. Bénéficiant également d’un guidage GPS/inertiel, il peut atteindre sa cible en huit minutes et emporte une charge unitaire de 140 kg. Il serait en service depuis 2016 dans les forces israéliennes. On note qu’IAI propose aussi le LORA (Long range artillery), dont la portée peut atteindre 430 km, avec une charge explosive de 570 kg et dont le guidage terminal est électro – optique ; et qui a récemment été adapté pour un tir aérobalistique sous F‑16. Il a été acheté par l’Azerbaïdjan et l’Inde négocie sa production sur place. Reste également le cas turc, avec une gamme de missiles conçue avec l’appui chinois : la famille des J‑600T Yildrim permet de frapper, pour le Yildrim‑2, jusqu’à 300 km avec une charge de 480 kg. La famille comprend également les Bora, Tayfun et Cenk, dont les caractéristiques ne sont pas précisément connues. Reste qu’en l’occurrence, une percée commerciale en Europe continentale d’un système turc conçu avec l’assistance chinoise est peu probable.

De nouvelles solutions européennes… ou pas

Le salon Eurosatory 2024 a vu les lignes bouger dans le domaine des systèmes de longue portée. Chez Rheinmetall, le remplacement des M‑270 MARS 2 mise sur la simplicité : d’une masse de 40 t, le GMARS est basé sur un camion 8 × 8 de la famille HX dont la cabine est dotée du même système de contrôle de tir que celui actuellement utilisé. Fruit d’un partenariat entre Lockheed Martin et Rheinmetall, le système dispose d’une plus grande mobilité opérative en conservant la puissance de feu du M‑270, avec un maintien de l’usage des missiles (ER)GMLRS. Si l’on note la présence d’un missile PrSM, le système, s’il est choisi, pourrait tirer le futur missile de croisière allemand à longue portée de MBDA – non sans adaptation du système de contrôle de tir –, mais on ne sait pas si une compatibilité sera établie avec les futurs missiles français ou ceux liés aux Chunmoo polonais. Derrière la recherche de la simplicité et de la rapidité de livraison, on comprend que l’enjeu de l’interopérabilité sera saillant…

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