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Fin de transition au Tchad

Trois ans après avoir pris le pouvoir, suite à la mort de son père, le général Mahamat Idriss Déby Itno a été élu président de la République du Tchad dès le premier tour de l’élection. Confronté à un environnement régional particulièrement délicat et à de nombreux défis internes, de multiples interrogations surgissent dans ce qui apparait trop évidemment comme une succession dynastique.

Le 23 mai 2024, l’investiture de Mahamat Idriss Déby Itno, « Kaka » (1), marquait la fin d’une transition débutée trois ans plus tôt à la mort de son père, le maréchal et président Idriss Déby, tué lors d’un affrontement contre un mouvement armé, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), dans le Nord-Ouest du pays. La trajectoire tchadienne rompt avec celle des autres expériences prétoriennes au Sahel, au moins à deux niveaux. D’une part, la transition militaire marque une continuité politique par rapport au régime précédent et euphémise la rupture constitutionnelle décidée alors, puisque Mahamat Kaka a été coopté par un quarteron de militaires sans que la loi ne soit respectée dans sa lettre et son esprit. De l’autre, cette transition a pris fin dans les temps indiqués par les nouvelles autorités en 2021 : le Tchad ne procède donc pas comme le Mali et ses voisins, pays où les juntes s’accrochent à tout cout au pouvoir.

La transition tchadienne a nourri de nombreux espoirs qui se sont pour beaucoup évaporés dans les aléas de la vie politique. Mais faut-il pour autant en conclure que rien ne s’est passé ? Ensuite, le nouveau régime issu de la transition fait face à une situation régionale compliquée et les jeux de pouvoir internationaux lui octroient une importance plus grande (et donc des ressources plus conséquentes) mais font peser des dangers nouveaux sur sa stabilité interne. Enfin, le Tchad hier et aujourd’hui n’échappe pas à des interrogations stratégiques sur sa viabilité sociale et économique qui dépassent le cadre des compétitions politiques courantes. Cet horizon délicat devrait définir un ensemble de politiques publiques de moyen et long terme qui sont aujourd’hui absentes du débat public.

Une transition riche en espoirs…

La mort du maréchal Idriss Déby Itno, le 20 avril 2021, quelques jours après l’annonce de sa sixième victoire à l’élection présidentielle, a constitué un choc pour les tenants de son régime. Les militaires qui en avaient constitué la colonne vertébrale se sont rapidement mis d’accord sur la mise en place d’une transition avec à sa tête Mahamat Kaka, qui était alors le chef de la DGSSIE (2), en dépit (ou à cause) de son relatif anonymat. Discret, tout entier au service de son père et bénéficiant d’une très bonne opinion auprès de ses soldats, il n’avait jamais fait parler de lui pour des frasques réelles ou imaginaires, à l’inverse de nombre des plus proches parents d’Idriss Déby Itno. Sa jeunesse constituait également un point positif dans une société où près de 50 % de la population a moins de 15 ans (3).

Sans doute, habilement conseillé par les alliés traditionnels de son père, Mahamat Kaka allait alors jouer une partition originale qui créerait l’espoir d’un changement réel, d’une transition d’un autoritarisme vers un régime plus ouvert. Pourtant, la multiplication des nominations au sein de l’appareil militaire et sécuritaire et l’absence de consignes claires sur la démilitarisation du maintien de l’ordre et de l’administration locale, autant que le rythme de la transition, incitaient à une lecture plus pessimiste. Une double lecture peu à peu s’imposait.

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