Cette guerre d’usure avantage en réalité les adversaires d’Israël, quand bien même ceux-ci ont pu connaitre des revers largement médiatisés par Tel Aviv, à l’image de l’assassinat de hauts dirigeants du Hamas et du Hezbollah. La guerre à Gaza s’éternise et le risque d’escalade avec le Liban et même l’Iran est un scénario plus que possible. Le Hamas maintient une capacité opérationnelle, alors qu’il était décrit comme éreinté après les premières représailles israéliennes fin 2023. L’incapacité de l’État hébreu à éradiquer le Hamas d’un point de vue matériel prélude d’autant plus au fait qu’il ne parviendra pas à vaincre le Hamas d’un point de vue moral et idéologique. Le Hezbollah libanais représente pour Israël une menace encore plus sérieuse, avec un arsenal estimé à plus de 150 000 roquettes et missiles, pouvant potentiellement saturer les systèmes de défense israéliens. Le Hezbollah est encore plus préparé que le Hamas à un conflit prolongé, du fait de ses ressources plus fournies, et une opération israélienne à son encontre serait bien plus couteuse pour Tel Aviv que la guerre en cours à Gaza. Enfin, une potentielle guerre directe et d’envergue avec l’Iran semble être un scénario catastrophe, les implications stratégiques et régionales étant difficilement discernables avec précision.
Le plus grand danger pour Israël semble finalement être l’opinion publique. À l’international d’abord, les opérations israéliennes à Gaza sont régulièrement qualifiées de génocide, tant les actions à Gaza semblent disproportionnées et viser les populations civiles plus que des cibles militaires. La procédure engagée par l’Afrique du Sud contre Israël le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de Justice, cette première alléguant d’une violation par le second de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 (dont Israël est signataire) n’en est que l’illustration la plus saillante. À l’échelle nationale ensuite et surtout, la population israélienne semble chaque jour plus divisée sur la stratégie à mener et sur le soutien, ou non, à Benyamin Netanyahou. Or nombre de conflits récents démontrent à quel point l’opinion publique nationale détermine l’issue d’une guerre. Qu’il s’agisse de la France durant la guerre d’Algérie (1954-1962) ou des États-Unis au Vietnam (1955-1975) ou en Afghanistan (2001-2021), des États largement plus puissants que leurs cobelligérants ont été défaits. Non pas sur le champ de bataille, mais au sein de leurs propres sociétés, celles-ci s’opposant à des conflits perçus comme étant trop longs et couteux d’un point de vue humain et financier. Un tel scénario pourra alors s’imposer à Israël : on peut gagner une guerre stratégiquement, et la perdre politiquement.
Légende de la photo en première page : Alors que l’armée israélienne a repris les bombardements à Gaza, un retour à une guerre terrestre pourrait s’avérer plus compliqué dans un contexte de soutien public en baisse et de réservistes militaires épuisés. (© Shutterstock)