Alors que la relation était difficile entre Joe Biden et Benyamin Netanyahou, dans quelle mesure le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche influence-t-il les relations entre les États-Unis et Israël ?
J. Toureille : D’un point de vue personnel, il est certain que la relation entre l’actuel président américain et le Premier ministre israélien est bien meilleure que celle entre ce dernier et l’ancien président démocrate des États-Unis (1). Netanyahou souhaitait explicitement le retour de Trump à la Maison-Blanche (2). Mais si les relations personnelles ont grandement évolué depuis le début du second mandat de Trump, les relations entre les États-Unis et Israël n’évoluent pas significativement. Même si Joe Biden n’appréciait guère Netanyahou, il n’a jamais été jusqu’à remettre en cause le soutien indéfectible de sa propre administration au gouvernement israélien, en particulier après l’attaque du 7 octobre 2023.
Le 5 février dernier, le président Trump annonçait lors d’une conférence de presse commune avec Netanyahou, et visiblement à la surprise de ce dernier, qu’il voulait « prendre le contrôle » de Gaza (3). Comment expliquer cette déclaration ?
Il s’agit là de la principale illustration du changement de stratégie entre l’administration Trump et l’administration Biden. Ce dernier n’aurait en effet jamais osé aller jusqu’à proposer de prendre lze contrôle de la bande de Gaza, même si tout le monde sait que Gaza devra passer par un processus de reconstruction ambitieux et complexe à mettre en place, pour assurer la sécurité à long terme d’Israël et de la population palestinienne. La proposition de Donald Trump pousse la logique à son maximum. Il assume pleinement l’idée qu’il faut une intervention extérieure de très grande envergure pour reconstruire Gaza.
Par ailleurs, il faut aussi comprendre qu’en proposant cela, Donald Trump a « l’honnêteté » d’enterrer la solution à deux États. Si cela demeure l’horizon indépassable du conflit, cela fait une dizaine d’années que l’on sait que ça ne pourra pas se faire. Du côté palestinien, il n’y a pas les personnes pour le mettre en œuvre, et côté israélien, il y a des personnes qui ne veulent surtout pas d’un État palestinien. Lors de cette conférence de presse, Donald Trump reconnait, en proposant de prendre le contrôle de Gaza, que la solution à deux États relève de la chimère.
En parallèle, s’il n’y a pour le moment aucun plan concret pour avancer vers cette proposition, cela demeure néanmoins un signe clair envoyé à Israël qu’il n’y a pas d’efforts à fournir pour mettre en place les conditions préalables à l’établissement d’une solution à deux États. Israël est donc libre de continuer à procéder comme il l’entend, à Gaza ou en Cisjordanie.
Qu’en ont pensé les autorités israéliennes ?
Si Benyamin Netanyahou a semblé surpris en entendant cette annonce, il ne l’a pas non plus contredit, précisant même à son retour de Washington que « le président Trump est venu avec une vision complétement différente et bien meilleure pour Israël, une approche révolutionnaire et créative » (4). Par ailleurs, en Israël, si l’extrême droite israélienne fut très heureuse de cette annonce, il y a aussi une passivité de la société civile qui fait que l’on acte la disparition de la solution à deux États.
Netanyahou a déclaré que Donald Trump « est le meilleur ami qu’Israël ait jamais eu à la Maison-Blanche », après que Washington eut décidé d’envoyer une aide militaire d’environ 4 milliards de dollars à Israël. Que représente concrétement l’aide militaire américaine pour Israël ? Est-elle indispensable à la poursuite de ses opérations militaires ?
Il faut d’abord rappeler que Joe Biden était présenté comme le président le plus pro-israélien de toute l’histoire des États-Unis (5). Les Israéliens doivent donc se réjouir de connaitre les deux administrations les plus pro-israéliennes de l’histoire.
Pour un pays comme Israël, le montant de l’aide militaire fournie par les Américains n’est pas si significatif. D’autant plus qu’avant le 7 octobre 2023, des sénateurs républicains remettaient en question cette aide militaire, mais les évènements ont fait que cette réflexion n’était plus à l’ordre du jour.
Israël reste le premier bénéficiaire de l’aide militaire américaine — sauf cas particulier de l’Ukraine. Cette aide permet deux choses. D’une part une aide et un approvisionnement régulier en munitions et en outils militaires dont Israël semble encore assez largement dépendant. L’industrie militaire israélienne travaille d’ailleurs beaucoup avec son homologue américaine pour développer et améliorer ses armements. D’autre part, cette aide montre que, quoi que fasse Israël, les États-Unis demeurent un partenaire indéfectible de l’État hébreu.