On entend parler de calcul quantique, d’ordinateur quantique ou encore de communication quantique. Que désignent ces concepts, et en quoi marquent-ils une rupture avec les technologies classiques ?
O. Tonneau : Les technologies quantiques reposent sur l’exploitation des propriétés quantiques des particules de matière. À l’échelle des particules élémentaires, ces propriétés révèlent des caractéristiques uniques. En manipulant des atomes, des électrons, des photons ou des ions de manière individuelle, on peut développer une multitude d’applications, comme le calcul quantique, le cryptage des communications, en tirant parti des lois de la physique quantique, ou encore la création de capteurs d’une précision incroyable.
Trois propriétés clés sont mises à profit dans ce domaine. La première, la superposition, permet à une particule en état quantique d’exister simultanément dans plusieurs états. Cela a d’importantes implications pour la capacité de calcul, qui devient alors exponentielle : alors que l’informatique classique utilise des bits qui valent 0 ou 1, une particule quantique peut se trouver dans plusieurs états à la fois, offrant ainsi une puissance de calcul bien supérieure à celle des ordinateurs traditionnels. Cependant, il est important de noter que tous les types de calcul ne conviennent pas à l’ordinateur quantique. Mais pour certaines applications, les possibilités d’accélération sont vraiment impressionnantes.
La deuxième propriété essentielle, connue sous le nom d’intrication, concerne l’existence de particules jumelles qui, même à distance, réagissent de manière identique. Ce phénomène, mis en lumière par Alain Aspect — qui a reçu un prix Nobel pour cela —, démontre que deux photons, même séparés par des kilomètres, peuvent interagir instantanément : quand l’un est affecté par un événement, l’autre réagit sans délai. Ce concept est utilisé pour chiffrer et sécuriser les communications.
Le troisième aspect concerne les capteurs : l’état quantique de la matière, qui est très fragile et difficile à maintenir, complique le développement des ordinateurs quantiques. Cependant, cette même fragilité permet de créer des capteurs exceptionnels, capables de détecter des grandeurs physiques comme la gravité ou les champs magnétiques. Ces propriétés ouvrent la voie à des capteurs de nouvelle génération, avec des applications allant de la géolocalisation — sans avoir recours au système de positionnement global (GPS), grâce à la détection des champs électromagnétiques — à l’imagerie médicale.
Ainsi, trois grands domaines d’application se dessinent : le calcul, qui englobe la conception de machines, ainsi que le développement d’algorithmes et de logiciels adaptés ; la construction de modes de paramétrage quantique, visant non seulement à sécuriser les échanges de données classiques, mais aussi à permettre la communication entre ordinateurs quantiques ; et, enfin, le domaine des capteurs, qui tirera profit de ces avancées pour de multiples usages.
Quels sont les secteurs dans lesquels les technologies quantiques pourraient constituer une véritable révolution ?
En réalité, on peut distinguer trois types de problématiques, chacune étant liée à des équations mathématiques spécifiques. Ces problématiques peuvent être utilisées de trois manières principales.
La première concerne la simulation. Ce domaine englobe une multitude d’applications, notamment dans l’industrie pharmaceutique, où la simulation de nouvelles molécules aide à développer des médicaments innovants. Les avancées dans les matériaux et la chimie en profitent également, tout comme les simulations en mécanique des fluides, qui sont essentielles dans des secteurs comme l’aéronautique, l’automobile ou même la prévision météorologique.
La deuxième est celle de l’optimisation. Ici, il s’agit de la capacité à résoudre des problèmes d’optimisation très complexes qui impliquent de nombreux paramètres. Prenons l’exemple classique du problème du voyageur de commerce : il s’agit de trouver le meilleur itinéraire pour visiter un certain nombre de villes, tout en minimisant la distance totale parcourue. Dès que le nombre de villes augmente — disons 20, ce qui est déjà un chiffre conséquent —, le nombre de combinaisons possibles devient si important qu’il dépasse largement les capacités de calcul des supercalculateurs actuels. Ce type de problématique nécessite donc une adaptation à un ordinateur quantique. Les applications se trouvent dans des domaines comme la logistique, la finance ou l’industrie, où l’optimisation complexe est essentielle.















