Le secteur quantique est considéré comme hautement sensible, à l’image de l’industrie de l’armement. Pourquoi représente-t-il aujourd’hui une priorité stratégique pour Washington, et comment les technologies quantiques pourraient-elles transformer les capacités de défense américaines ?
W. McNamara : Lorsqu’on parle de technologies quantiques, il faut bien distinguer plusieurs niveaux de maturité (maturity). Si l’ordinateur quantique reste encore loin d’une exploitation concrète, d’autres applications, comme les capteurs quantiques, sont déjà bien avancées. L’US Air Force, par exemple, déploie déjà ces technologies pour améliorer la navigation et la synchronisation de précision. De notre côté, nous commençons aussi à adapter certains de nos réseaux informatiques pour les rendre plus résistants aux futures attaques des ordinateurs quantiques. Ainsi, plusieurs technologies issues du secteur quantique sont d’ores et déjà prêtes à être déployées.
Le principal défi du calcul quantique réside dans l’irrégularité de ses avancées. Nous ne pouvons pas prévoir si, dans six mois ou dans seize ans, la Chine parviendra à une percée décisive. Quoiqu’il en soit, une telle avancée provoquerait un véritable choc. Les États-Unis suivent une trajectoire similaire, mais l’incertitude reste entière quant à celui qui prendra l’avantage en premier. L’enjeu est de taille, car dans le domaine quantique, le premier arrivé bénéficiera d’un avantage considérable, très difficile à rattraper. C’est la raison pour laquelle l’informatique quantique constitue un défi stratégique majeur. Il ne s’agit pas seulement d’investir de l’argent ou du temps, mais aussi de naviguer dans une course dont l’issue reste imprévisible. Les implications dépassent largement la sécurité nationale : elles auront un impact significatif sur l’économie mondiale.
Où en sont actuellement les États-Unis dans le développement de l’informatique quantique, et quels sont les principaux programmes et initiatives dans ce domaine ?
Les États-Unis occupent aujourd’hui une position de leader dans le développement de l’informatique quantique, notamment grâce à d’importants investissements publics et privés. L’un des principaux moteurs de cette avancée est la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), qui a alloué un milliard de dollars pour soutenir la recherche et le développement dans l’industrie quantique. Cet investissement vise à renforcer la base industrielle de défense en garantissant un financement aux entreprises émergentes du secteur.
Mais l’un des défis majeurs dans ce domaine réside dans la diversité des technologies quantiques. Contrairement à d’autres innovations, ici, il n’existe pas encore de solution unique dominante. Plusieurs types d’ordinateurs quantiques coexistent, chacun avec ses propres avantages et inconvénients. C’est pourquoi il est essentiel de financer l’ensemble des approches plutôt que de se concentrer sur une seule. Un autre enjeu critique concerne la chaine d’approvisionnement de l’ordinateur quantique. Certaines ressources clés pour leur fabrication sont limitées à un petit nombre de fournisseurs, parfois situés en Chine. Cette dépendance pourrait devenir problématique si la technologie devait être déployée à grande échelle.
Enfin, bien que l’informatique quantique reste encore en phase de développement, certaines technologies, comme les capteurs quantiques, sont déjà opérationnelles. De plus, elles sont intégrées dans des programmes de défense. Le département de la Défense des États-Unis a d’ailleurs lancé plusieurs initiatives pour exploiter ces avancées, ce qui démontre des progrès concrets dans l’adoption de cette technologie.















