Le lecteur ne connaissant pas DSI et qui ne serait pas versé dans les arcanes des débats contemporains de la stratégie aérienne pourrait se demander pourquoi on parle d’opérations « multidomaines » en couverture du DSI n°147, ce que cela recouvre et en quoi ce serait pertinent de mettre en avant ce sujet semblant a priori un brin technique… et quel est le lien avec le Rafale illustrant la couverture.
On a abordé la question du multidomaine a plusieurs reprises dans DSI, une partie des articles qui y ont été consacrés étant d’ailleurs disponibles sur le site (ici ou ici). En l’occurrence, l’article du général Louis Pena, chef d’état-major du CDAOA, revient sur un un aspect essentiel des opérations aériennes futures : leur infrastructure future, conceptuelle certes, mais aussi, à terme, matérielle et logicielle.
La stratégie aérienne, en tant que stratégie particulière/de milieu, implique de générer des effets politiques en utilisant la troisième dimension. Générer de tels effets implique une démarche de ciblage qui est assez largement propre à la stratégie aérienne – parce qu’elle combine vitesse et action dans la grande profondeur adverse. Cette démarche dépend évidemment du renseignement mais aussi, pour son « activation », de modalités de commandement/contrôle (C2).
L’efficacité militaire de la nouvelle génération de systèmes – Rafale F4, F-35, mais surtout SCAF – va largement dépendre de ces modalités C2. Comme par le passé, les logiques de planification des missions par ATO (Air Tasking Orders) resteront évidemment valides, mais la complexité des opérations militaires futures imposent aussi une meilleure faculté d’adaptation dans le courant même des vols. La dilatation des espaces de combat, la diversification des menaces, la conduite d’opérations multinationales, la variété des effets possibles (y compris ceux fournis par des systèmes ne relevant pas des forces aériennes), les possibilités offertes par les réseaux et le combat collaboratif redéfinissent ainsi la donne.
Il s’agit aussi, incidemment, de « mettre de l’huile » dans la complexité de la pratique opérative, avec à la clé une plus grande efficience pour l’ensemble des forces. Le coeur de l’article du général Pena renvoie donc à ce à quoi vont ressembler les opérations aériennes du futur et, par extension, à ce que l’on doit attendre du SCAF. S’il donne ainsi raison à Hervé Coutau-Bégarie (« plus l’investissement matériel est grand, plus l’investissement intellectuel doit suivre »), il valait également bien une couverture !