Célébrant le centenaire de sa fondation en juillet 1921, le PCC entame son deuxième siècle sous la direction de Xi Jinping, qui a d’ores et déjà imposé un style de gouvernance en rupture avec ses prédécesseurs. Alors que les défis internes et externes se multiplient, où va la Chine de Xi Jinping ?
L existe un consensus clair aujourd’hui pour estimer que le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) Xi Jinping est le dirigeant le plus puissant depuis Mao. Et il ne s’agit pas ici de contester ce consensus. Pourtant, sa nomination à la tête du Parti lors du XVIIIe Congrès du Parti en novembre 2012, qui était certes attendue, ne s’est pas déroulée dans les circonstances les plus paisibles. Son rival, Bo Xilai, maire de la mégapole Chongqing, conspirait alors contre lui avec le soutien de Zhou Yongkang, l’un des plus hauts dirigeants du Parti, qui a régné en maître sur l’appareil de sécurité entre 2007 et 2012. Les deux hommes sont finalement tombés en disgrâce, Bo quelques mois avant le XVIIIe Congrès du PCC et Zhou quelques mois après. Ils ont depuis été tous deux condamnés à la perpétuité pour corruption et abus de pouvoir. On se souvient, en outre, de la disparition de Xi de la scène publique durant deux semaines entières en septembre 2012, à quelques semaines du Congrès, déclenchant les plus folles spéculations.
C’est peut-être justement ce contexte de rivalité qui a poussé Xi à consacrer tant d’efforts pour sécuriser son pouvoir au cours de son premier mandat (2012-2017) et à affirmer la toute-puissance du Parti sous son autorité depuis le début de son second mandat (2017-2022). Au-delà des slogans ressassés et peu concrets, tels que le « rêve chinois », la gouvernance de Xi Jinping se caractérise par un autoritarisme exacerbé reposant sur le concept de « sécurité nationale », la discipline et l’idéologie, et sur un aventurisme décomplexé sur la scène internationale.
La sécurité nationale
Xi Jinping s’est d’abord employé à reprendre en main l’appareil de sécurité, outil indispensable au contrôle du Parti, en débarrassant les agences de sécurité des fidèles de Zhou Yongkang pour y placer ses propres alliés. Xi a par ailleurs développé et promu le concept de « sécurité nationale », l’aidant à asseoir son contrôle sur le Parti. Ce concept englobe toutes formes de menaces traditionnelles et non traditionnelles, économiques, culturelles et idéologiques, venant de l’extérieur comme de l’intérieur du pays. Il est en outre davantage destiné à préserver la sécurité politique du Parti plutôt que de la nation. Xi a ainsi fondé en 2014 la Commission centrale de sécurité nationale (CSN) qu’il préside lui-même et qui chapeaute l’ensemble des autres commissions et agences (du Parti et de l’État) en charge de la sécurité. Le concept de « sécurité nationale » a ensuite été intégré dans le corpus législatif par la loi éponyme de 2015. En plus de la CSN, Xi préside lui-même divers « petits groupes dirigeants » et commissions sur des questions de sécurité plus spécifiques (réforme de l’armée, cybersécurité et fusion civilo-militaire, par exemple).
Dans le domaine militaire, il a lancé une vaste réforme de la Commission militaire centrale (CMC), l’organe suprême à la tête de l’Armée populaire de libération (APL), qu’il préside également. Cette réforme visait à lui assurer un contrôle plus étroit sur la chaine de commandement et les forces. Il s’est, par la même occasion, octroyé le nouveau titre militaire de « commandant en chef du commandement interarmées des opérations ».
Par ailleurs, on observe une tendance à la militarisation des forces de sécurité intérieure en Chine depuis l’arrivée au pouvoir de Xi. La Police armée du peuple (PAP), force paramilitaire de sécurité intérieure, était auparavant sous la double tutelle du ministère de la Sécurité publique (la police) et de la CMC (l’armée). Elle a été placée en 2018 sous l’autorité unique de cette dernière. Lors de la même réforme, les gardes-côtes chinois, qui étaient jusqu’alors sous autorité civile, ont été intégrés à la PAP, donc la chaîne de commandement militaire. De plus, une nouvelle loi, votée en janvier 2021 et très décriée par les voisins maritimes de la Chine, autorise désormais les gardes-côtes à utiliser des armes létales.


La toute-puissance du Parti
De manière générale, discipline et idéologie peuvent être conçues comme les deux faces d’une même médaille. Seule une discipline stricte permet la bonne application de l’idéologie, tandis que l’idéologie justifie la discipline exigée par le pouvoir. Dès son arrivée à la tête du Parti, Xi Jinping a utilisé la redoutable Commission centrale d’inspection de la discipline (CCID) pour neutraliser ses opposants, par le biais d’une vaste campagne de lutte contre la corruption. Celle-ci visait « les mouches et les tigres », c’est-à-dire les cadres de tous les échelons du Parti et de l’État (y compris des entreprises d’État). Le resserrement de la discipline au sein du Parti a donc, là encore, permis à Xi de consolider son autorité.
L’idéologie a également fait son retour sur le devant de la scène politique, pour réaffirmer la toute-puissance du Parti. « Adhérer strictement à la direction du Parti » est le leitmotiv omniprésent dans les communications officielles du PCC aujourd’hui, tandis que Xi Jinping a repris à son compte le slogan maoïste : « Le Parti, le gouvernement, l’armée, la société et l’université, l’Est, l’Ouest, le Sud, le Nord et le Centre : le Parti dirige tout » (1).