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Tourisme mondial : sortir du « choc » pandémique

Au fil des jours et des semaines toutefois, l’urgence sanitaire s’est imposée et des mesures ont été mises en place dans la plupart des pays du monde. Ce déploiement eut lieu en ordre dispersé, avec des décalages temporels et des différences d’un pays à l’autre, allant du confinement strict à des restrictions plus ou moins fermes sur les déplacements internationaux. En Europe, la Suède se distingua par sa décision de ne pas appliquer de confinement, misant sur une immunité de groupe. Le Royaume-Uni envisagea une solution analogue avant de faire marche arrière et de se résoudre au confinement. Les déplacements internes furent restreints et les voyages internationaux de plus en plus rares, les aéroports fonctionnant quasi à vide. Les fermetures de frontières, d’abord parcimonieuses et partielles, se généralisèrent, menant à partir d’avril à un arrêt quasi total des voyages internationaux, et donc du tourisme [voir graphiques et tableau ci-dessous]. Ces mesures furent parfois soudaines, empêchant même certains touristes de quitter le pays qu’ils étaient en train de visiter, comme dans le cas du Maroc, où la rupture des liaisons aériennes et maritimes le 13 mars 2020 prit par surprise de nombreux vacanciers que leur gouvernement dut par la suite rapatrier (5).

<strong>2020, année noire du tourisme mondial</strong>

Confinés pour une période souvent indéterminée, confrontés à une grande incertitude en matière d’emploi et de revenus, les candidats aux voyages avaient la tête ailleurs, ou du moins ne voyaient plus quand ni comment planifier un futur séjour. Corollaire de ces problèmes vécus par la clientèle potentielle confrontée à la restriction des déplacements et à des mesures de quarantaine conjuguées à des fermetures des bars, restaurants ou hôtels ainsi qu’à l’annulation de la majorité des spectacles et festivals, l’industrie touristique fut progressivement paralysée. La situation économique des acteurs était alors d’autant plus catastrophique que les revenus chutèrent dramatiquement, une grande majorité des employés de la restauration, de l’hôtellerie et des différentes activités touristiques se trouvant en chômage temporaire pour une durée dont la seule certitude était qu’elle serait longue.

Des réponses diversifiées

L’OMT évalue à près de 10 % la contribution du tourisme à l’économie mondiale et estime qu’une personne sur dix travaille dans un domaine lié au tourisme. Basée sur le voyage, cette industrie a bien entendu été l’une des plus touchées par la pandémie. Qui plus est, la plupart de ses acteurs ont agi en ordre dispersé, contrairement aux recommandations de l’Organisation qui prônait dès mars 2020 le besoin de coordination.

Les problèmes auxquels s’est trouvée confrontée l’industrie touristique étaient nombreux : d’abord, les mesures sanitaires avec leur cortège de fermetures, de restrictions du nombre de clients, d’obligations d’aménagements coûteux ; ensuite, les difficultés liées à la main-d’œuvre, la cessation ou la restriction des activités signifiant la suspension temporaire de nombreux emplois.

Dans certains pays de l’OCDE, les mesures gouvernementales de soutien au revenu ont même rendu les salaires moins attractifs, incitant plusieurs employés à ne pas revenir au travail tant que les subventions restaient disponibles tandis que d’autres, découragés par l’incertitude quant à l’issue de la crise, décidaient de se réorienter, le tout créant des pénuries de main-d’œuvre. Quant aux entrepreneurs, la succession des cycles de déconfinements et de reconfinements, au fil des vagues successives de Covid, ainsi que l’obligation de faire respecter les mesures auprès de la clientèle ont constitué une épreuve constante, insurmontable pour plusieurs. En effet, bien que des aides gouvernementales aient été disponibles dans la plupart des pays les plus aisés, elles ne pouvaient à terme compenser une activité normale.

Les gouvernements de nombreux pays ont tenté de sauver les entreprises et les emplois d’un secteur qui, comme le soulignait Zurab Pololikashvili, secrétaire général de l’OMT, « se compose à 80 % de petites et moyennes entreprises », concluant que « l’impact social général de la crise ira bien au-delà du tourisme et sera le souci majeur de la communauté internationale » (6). L’OMT ne s’est pas bornée à appeler à la coordination puisqu’elle est intervenue auprès des différents acteurs, notamment étatiques, appuyant par exemple leurs efforts de limitation des déplacements par le slogan « Rester chez soi aujourd’hui pour pouvoir #voyagerdemain ».

Par ailleurs, effectuant dans son rapport de juin 2020 une première évaluation des politiques menées, l’OMT a jugé globalement efficace l’action des gouvernements de par le monde, qui ont rapidement mis en place des mesures de soutien, s’adaptant en outre au fil du temps (7). Son travail de compilation et d’analyse des données concernant ces différentes démarches permet de voir que la plupart des pays ont adopté des mesures financières et fiscales (144 pays sur les 220 analysés) pour stimuler l’ensemble de leur économie, associées à des mesures d’aide à l’emploi (dans 100 pays), mesures qui ont tout particulièrement concerné le secteur du tourisme.

En général, ces mesures visaient, d’une part, à soulager financièrement et fiscalement les petites et moyennes entreprises (PME) et les travailleurs autonomes (pour prévenir les faillites, assurer la survie financière et compenser le manque de liquidités) et, d’autre part, à favoriser le maintien en poste et la sécurisation des emplois. Alors que la situation évoluait, le besoin de mesures spécifiques au tourisme s’est fait sentir, surtout dans les pays où cette activité joue un rôle important dans l’économie, contribuant au PIB, mais fournissant aussi des millions d’emplois. Pour ce faire, certains pays ont renforcé les modèles de partenariat public-privé et constitué des groupes de travail incluant des acteurs de différents horizons. En plus de ces mesures, de nombreux pays ont annoncé dès la mi-mai 2020 des mesures de relance du tourisme, avec des protocoles sanitaires et la promotion du tourisme interne, en particulier en Europe et en Asie-Pacifique.

Cette relance du tourisme, leitmotiv de l’OMT et des principaux acteurs du secteur, a fait l’objet des travaux du comité de crise mondiale mis sur pied dès le printemps 2020, qui a réalisé plusieurs modélisations en fonction de l’évolution prévue de la pandémie, notamment en anticipant les différents scénarios de levée envisagée des mesures sanitaires au cours de l’été 2021.

Le vrai-faux répit de l’été 2020

Après un printemps difficile, l’été 2020 a signifié la fin de la première vague dans plusieurs régions, notamment en Amérique du Nord et en Europe (y compris en Italie, épicentre de l’épidémie en avril-mai 2020). Cette légère amélioration a permis une petite reprise des activités durant l’été, avec la levée de certaines restrictions de déplacements. Ce fut alors l’occasion pour plusieurs pays, comme la France ou le Canada, de promouvoir un tourisme interne, et beaucoup de vacanciers en profitèrent pour découvrir ou redécouvrir leur propre pays ou privilégier un tourisme plus régional, notamment en Europe. Mais la seconde vague automnale vint balayer cette timide reprise, les reconfinements et les retours aux mesures strictes mettant fin aux espoirs de sauver 2020. L’année s’est terminée sur un bilan catastrophique sur le plan international, avec un déficit d’un milliard de touristes par rapport à l’année précédente. Cette diminution de 74 %, qui en faisait la pire année de l’histoire, éclipsait largement la décroissance des visites liées à la crise de 2009, qui n’avait été que de 4 %.

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