Stratégie

US Navy vs. marine chinoise : le match techno

Les derniers chiffres du Pentagone viennent de tomber : la marine chinoise disposerait de 350 navires de guerre contre « seulement » 293 pour l’US Navy. La Chine possède donc la plus grande marine militaire du monde. En revanche, la marine américaine garderait l’avantage dans le domaine technologique. Pour l’instant.

La Chine a surpassé l’US Navy en nombre de navires de guerre. » Telle est la conclusion d’un rapport publié récemment par le Pentagone. La marine de l’Armée populaire de libération (MAPL) doit savourer les résultats de ce comptage. Elle dispose aujourd’hui de 350 navires et sous-marins, contre 293 pour la marine américaine. Surtout, elle compte bien sûr ne pas en rester à ce nombre déjà imposant. Car le projet du président élu à vie, Xi Jinping, est bien de faire de la Chine la superpuissance de demain. Dans ce contexte, la marine chinoise est un formidable outil. Le programme est ainsi annoncé : plus de bâtiments de guerre, notamment des navires amphibies et des porte-avions, les fameuses « 100 000 tonnes de diplomatie » dont parlait en son temps Henry Kissinger.

L’US Navy garde l’ascendant technologique, pour l’instant

L’annonce de ce déclassement pourrait laisser un goût amer aux marins américains et au chef des armées, le président Donal Trump. Surtout que la concurrence entre les deux pays est acharnée et les passes d’armes entre Donald Trump et Xi Jinping, nombreuses. Les Américains peuvent toutefois se consoler, car la supériorité technologique est encore du côté de l’US Navy. Tout comme le savoir-faire et la capacité à projeter des forces à l’échelle du globe. Pour cela, la marine américaine dispose du nombre impressionnant de onze porte-avions nucléaires opérationnels. Cette force sans commune mesure a permis aux États-Unis de lancer, en 2006, l’exercice « Valiant Shield », dans le Pacifique avec 22 000 militaires, 280 avions et 30 navires incluant les super-porte-avions USS Kitty Hawk, USS Abraham Lincoln et USS Ronald Reagan. Notons que, pour cet exercice, des observateurs de la République populaire de Chine avaient été autorisés à suivre les jeux de guerre américains.

Face à cette armada de porte-avions, la Chine n’aligne que deux bâtiments qui sont par ailleurs beaucoup moins performants que leurs pendants américains. Ils fonctionnent grâce à des turbines à vapeur alimentées par huit chaudières, ce qui limite leur autonomie et leur rayon d’action par rapport à un réacteur nucléaire.

L’autre point faible de la Chine et de sa marine est le manque cruel de bases hors du territoire national. Les États-Unis sont partout à travers le globe, sur toutes ses mers, ce qui leur confère aussi le statut de thalassocratie. Ils sont en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. La Chine, de son côté, revendique les îles de Patras qu’elle considère comme étant sous son « indiscutable souveraineté », créant des tensions avec le Vietnam, la Malaisie et les Philippines. Elle occupe en outre déjà les îles Spratleys et Paracels situées en mer de Chine méridionale, suscitant la colère des États-Unis.

Mais voilà, « tout change », disait Péguy. Et le rapport du Pentagone est clair sur ce point. L’avance technologique et logistique américaine sur la Chine se réduit d’année en année. Le secrétaire d’État à la Défense, Mark Esper, notait que le gouvernement chinois avait fait appel aux industries civiles de pointe pour accélérer la modernisation de l’armée chinoise et notamment de sa marine. L’avantage numérique est donc en passe de se doubler d’un avantage technologique, dans le domaine des missiles balistiques embarqués par exemple, conventionnels ou nucléaires. Le Pentagone a donc indiqué que les États-Unis devaient se reprendre pour ne pas perdre leur statut de première puissance mondiale à l’horizon 2050.

Les avancées technologiques chinoises

Le quartier général du département de la Défense américaine peut légitimement s’inquiéter. Marine côtière durant de longues années, la MAPL a continuellement progressé dans le domaine des sous-marins. Aujourd’hui, la Chine peut rivaliser avec la grande puissance sous-marine américaine.

Pendant longtemps, la Chine a été la cible de sarcasmes dans les milieux navals. Si elle avait misé sur le développement rapide d’une marine imposante, la guerre de Corée et la révolution culturelle avaient mis un coup d’arrêt à ses projets. Néanmoins, Pékin a lentement relancé une politique navale et développé ses capacités. Au départ, les efforts ont porté sur les capacités côtières, avec notamment de petits sous-marins diesel, mais aussi sur la défense antimissile à terre et sur les vedettes rapides. Mais aujourd’hui, la Chine est capable de déployer une force sous-marine hauturière.

En 2019, le capitaine Chester Parks, commandant de la base sous-marine américaine de Kings Bay, avait noté les énormes progrès des marines étrangères dans le domaine des sous-marins, et notamment de la Chine, expliquant de celles-ci rattrapaient inexorablement la force sous-marine de l’US Navy.

Le Bureau du renseignement naval américain est du même avis lorsqu’il souligne que « la marine de l’APL passe actuellement de sous-marins d’attaque plus anciens et moins fiables Romeo, Ming et Han (conventionnels), aux plus modernes Kilo, Yuan, Shang (conventionnels) et Type-096 (nucléaire) ».

Les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque Type-096 commencent peut-être déjà à naviguer, ou le feront dans un futur proche. Ce type, à simple coque, dispose d’une technologie d’atténuation du bruit rayonné. Il est probable qu’il n’ait pas de ligne d’arbre. Il est également difficile pour l’heure de savoir où en sont les Chinois dans le domaine des systèmes de sonar et de détection. Ils utilisent des antennes linéaires remorquées, mais aussi de flanc. Le Bureau du renseignement naval américain insiste sur le changement de génération avec le Type-096, notamment dans les domaines du silence et de la puissance de frappe.

Concernant ce dernier point, la marine chinoise a récemment procédé, avec succès, aux premiers essais de son nouveau missile nucléaire Ju-Lang 3 tiré à partir de ce nouveau sous-marin lanceur d’engins nouvelle génération, le Type-096.

Avec une portée de 12 000 kilomètres, la Chine double presque celle de son précédent missile. Chaque Ju-Lang 3 disposerait de plusieurs ogives nucléaires pouvant agir de manière indépendante pour traiter des cibles différentes. Une fois libérées dans l’atmosphère, ces ogives sont guidées par les satellites Beidou, équivalent du GPS américain.

Le South China Morning Post a indiqué que ces essais étaient une réponse à la présence militaire américaine en mer de Chine méridionale. La marine américaine a d’ailleurs demandé plus de crédits au Congrès, autour de 20 milliards de dollars supplémentaires, pour garder l’avantage et son statut hégémonique dans le Pacifique. Le J-L-3 devrait être opérationnel en 2025 et sera adapté au nouveau sous-marin lanceur d’engins (SSBN) Type-096.

Entre Iowa et Kirov : le retour du cuirassé ?

Dans sa course à la mise à niveau matérielle et technologique dans le domaine naval, la Chine pourrait développer un nouveau type de grand bâtiment. Assisterons-nous au retour du cuirassé ? La question peut surprendre, et pourtant, il n’est pas impossible que la marine chinoise travaille sur un bâtiment de ce type, mais dans une version « 4.0 ».

À propos de l'auteur

Boris Laurent

Manager Défense & Sécurité chez Sopra Steria Next, historien spécialiste en relations internationales et en histoire militaire et officier de réserve au sein de la Marine nationale

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