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Jeux olympiques : le sport comme vecteur de puissance géopolitique

Enfin, nous pouvons également revenir sur la performance de la France, en deçà des attentes fixées et à trois ans des prochains Jeux, organisés sur son sol. Alors que l’objectif était fixé à quarante médailles, « seulement » trente-trois ont été glanées, avec notamment une exceptionnelle performance des judokas français. L’objectif de quatre-vingts médailles envisagé par le ministre de l’Éducation nationale, Jean Michel Blanquer, semble, aujourd’hui, difficile à atteindre…

Y a-t-il des pays pour lesquels les Jeux ont davantage d’importance, un enjeu politique, voire géopolitique ?

Il est essentiel de rappeler que les Jeux olympiques et paralympiques sont éminemment politiques, en dépit des différentes explications et arguments tendent à soutenir encore et toujours le mythe de l’apolitisme du sport. Ainsi, par leur participation aux Jeux, tous les comités nationaux olympiques vont chercher à exister, à performer, et des enjeux de politique intérieure comme de politique extérieure vont ici clairement entrer en ligne de compte.

Par ailleurs, cette question va aussi dépendre de l’importance attribuée au sport et aux Jeux dans certains pays. L’exemple typique est celui de l’Inde, qui demeure, encore aujourd’hui, le grand absent de la géopolitique du sport, en dépit de plusieurs tentatives menées au cours de la dernière décennie pour émerger dans ce domaine.

Il est aussi essentiel de rappeler que la participation (et les succès) à un méga-évènement sportif comme les Jeux olympiques et paralympiques est évidemment tournée vers la politique étrangère, mais peut être également orientée vers sa propre population, comme un ciment national, satisfaisant la fierté nationale et la fibre patriotique.

Toutefois, au-delà de ces considérations générales, nous pourrions imaginer une typologie de pays pour lequel ces Jeux revêtent une importance particulière. Certains pays vont utiliser la médiatisation considérable de ces Jeux pour « exister », avoir une plus grande visibilité sur la scène internationale, en tant que puissance sportive (le cas de la Jamaïque par exemple), ou tout simplement en tant qu’acteur international, non reconnu par le droit international et une partie de la communauté internationale, mais présent à ce méga-évènement sportif (citons par exemple ici le Kosovo, non reconnu par l’ONU).

D’autres pays vont au contraire voir en ces olympiades une manière d’affirmer leur puissance également dans le domaine sportif. Les exemples des États-Unis, de la Russie, de la Chine ou même de la France peuvent ici être donnés. Chacun, avec sa diplomatie sportive nationale, va tâcher de mettre en avant ses performances, son modèle de formation ou encore sa culture du sport d’élite.

Enfin, et comme nous l’avons déjà mentionné, les pays hôtes ont toujours une place spéciale dans le cadre de ces méga-évènements sportifs, puisqu’ils sont garants de la parfaite organisation logistique, technique, sportive. Il conviendra aussi de ne jamais sous-estimer l’importance des cérémonies d’ouverture, qui permettent au pays hôte de mettre en lumière son histoire et sa grandeur, mais aussi, dans certains cas, « d’imposer » son récit national à l’échelle planétaire, la cérémonie d’ouverture étant particulièrement prisée des téléspectateurs.

Alors que Washington et Pékin s’affrontent sur la scène internationale, dans les domaines économique ou technologique notamment, qu’en est-il de l’affrontement sportif entre ces deux nations depuis les JO de Pékin ? Quel est l’enjeu ?

Si l’opposition sino – états-unienne est largement documentée dans les domaines politique, économique, technologique et universitaire, elle demeure beaucoup moins explorée dans celui du sport. Pourtant, au regard du demi-siècle passé, force est de constater qu’il existe là un véritable champ d’étude et de réflexion.

C’est effectivement et indéniablement une opposition continue depuis 2008. Nous aurions tendance à considérer cela comme une anecdote, mais il convient de se souvenir de la brouille diplomatique intervenue entre les deux pays au lendemain de la fin des Jeux olympiques de Pékin en 2008. À l’époque, il y avait justement eu une compétition directe entre ces deux États, chacun revendiquant la première place au classement des médailles : l’un au nombre total de médailles et l’autre au nombre de médailles d’or. Cet été, nous avons pu à nouveau constater une forte opposition entre Pékin et Washington d’un point de vue sportif et notamment au regard des médailles gagnées. Quelques heures avant la fin des jeux de Tokyo, la Chine était devant au classement des médailles avant de se faire doubler par les États-Unis. Mais, plus largement, en ce qui concerne la diplomatie sportive, nous avons pu observer une Chine de plus en plus influente au sein du sport international, en sachant se positionner au centre de fédérations, mais aussi en se faisant remarquer par les bonnes performances de plusieurs de ses athlètes. Par ailleurs, la Chine a su se positionner sur un certain nombre de nouveaux sports, nouvellement présents au programme olympique ; ce qui constitue un élément important de sa stratégie.

L’enjeu derrière cet affrontement est donc une façon d’exprimer là encore sa puissance d’une autre manière pour arriver à faire entendre ses idées et à faire prévaloir son modèle sur l’autre.

Au cours des JO de Tokyo, l’affrontement sino-américain a notamment été marqué par deux affaires : les badges à l’effigie de Mao, et la réaction de Raven Sanders croisant ses poignets sur le podium. Quelle est la portée de ces évènements ?

Ces démonstrations, ainsi que d’autres — comme des genoux à terre — ont été réalisées pour des motifs distincts et des objectifs politiques différents, que l’on ne pourra ici rassembler sous un même parapluie. En revanche, ces gestes s’inscrivent dans un double contexte de mobilisation croissante des sportifs et sportives pour faire entendre leur voix. Cela constitue un problème croissant pour le CIO qui peine à faire respecter la règle 50 de la charte olympique qui dispose qu’« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ». Bien que des ajustements aient été proposés, la situation reste, pour le CIO, relativement complexe à gérer. Au regard des interpellations à l’égard du pouvoir chinois sur la situation des droits de l’homme, corrélées à une politisation croissante des sportifs et sportives au cours des dernières années, les prochains Jeux olympiques et paralympiques à Pékin vont être pour l’instance suisse une édition particulièrement périlleuse, où l’essentiel ne se passera peutêtre pas sur les pistes.

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