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Terrorisme et contre-terrorisme : quels enjeux après vingt ans de guerre ?

Il y a vingt ans, les États-Unis étaient frappés par une attaque terroriste islamiste — perpétrée par Al-Qaïda — qui a marqué le début d’une longue guerre contre le terrorisme. Deux décennies plus tard, la menace terroriste est toujours présente et cette guerre globale contre le terrorisme semble se poursuivre sans issue. Comment expliquer cette situation ? Est-ce un échec ?

M. Hecker : Le 11 septembre 2001 a ouvert un nouveau cycle stratégique, celui de la guerre globale contre le terrorisme. Si ce cycle a été ouvert, c’est parce que les attentats du 11 septembre 2001 ont été les plus meurtriers de l’histoire — avec près de 3000 morts — et ont touché l’Amérique au cœur de sa puissance. Dans son journal, George W. Bush a alors comparé cette attaque-surprise à celle de Pearl Harbor en 1941. Comme soixante ans plus tôt, la conséquence a été l’entrée en guerre des États-Unis. Et d’emblée, cette guerre a eu une portée globale, George W. Bush expliquant que la guerre contre le terrorisme commençait contre Al-Qaïda mais qu’elle ne s’arrêterait que lorsque tous les groupes de « portée globale » auraient été défaits.

Ces attentats ont modifié la perception du terrorisme. Il n’y avait jamais eu d’attaque d’une telle ampleur, dépassant le millier de morts. Dans les imaginaires, des dégâts comme la destruction de gratte-ciels ne pouvaient pas être commis par des acteurs non-étatiques, mais uniquement par des armées classiques. Al-Qaïda a innové en transformant des avions de ligne en missiles de croisière. Les moyens réels de cette organisation étaient inconnus : la surprise stratégique était totale et rien ne permettait de prédire l’avenir. Le 11-Septembre a ainsi ouvert le champ des possibles. À partir de là, tous les scenarii sont devenus envisageables : leur probabilité variait selon les cas, mais le terme « impossible » était banni. Des attentats encore plus meurtriers — telles que des attaques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) — ont été envisagés.

L’Afghanistan a été le premier théâtre de cette guerre contre le terrorisme, car le régime des talibans — en place depuis 1996 — offrait un sanctuaire à Al-Qaïda. Sans les talibans, Al-Qaïda n’aurait pas pu bénéficier de camps d’entrainement, ni mettre en œuvre un projet comme celui du 11-Septembre. Sur ce premier théâtre de la guerre globale contre le terrorisme, les talibans ont été balayés du pouvoir très rapidement et environ 80 % des combattants d’Al-Qaïda qui se trouvaient en Afghanistan ont été neutralisés durant les premiers mois de l’opération « Enduring Freedom ».

L’objectif de Washington était d’éradiquer Al-Qaïda, de se débarrasser durablement des talibans puis de mettre en place un État démocratique qui agirait favorablement sur les « causes profondes » du terrorisme. Or, sur ces trois points, des échecs de différentes natures peuvent être constatés. D’abord, Al-Qaïda, qui a certes été durement touchée lors des premiers mois de l’opération américaine, n’a néanmoins pas été éradiquée. Les principaux chefs, Ben Laden et Ayman al-Zawahiri, ont réussi à s’enfuir puis à œuvrer à la résilience de leur organisation. Ensuite, si les talibans ont été écartés du pouvoir, ils sont parvenus à remonter en puissance et à mener une guérilla contre le régime en place. En profitant d’une base arrière au Pakistan, ils ont réussi à faire face aux forces afghanes soutenues par les États-Unis et leurs alliés (dont la France). Ils ont établi des structures de gouvernance parallèles dans de nombreuses provinces. Dès que Washington a signifié son intention de se retirer, les talibans ont prouvé leur puissance en reprenant rapidement le pays jusqu’à entrer dans Kaboul. Le troisième échec, c’est celui de la construction de l’État afghan et d’un régime démocratique. En réalité, il s’agissait d’un État de façade, prédateur et rongé par la corruption. Sous le poids de toutes ces défaillances, l’administration et les forces nationales se sont effondrées.

L’échec en Afghanistan est cinglant, pourtant la défaite n’est pas globale pour les États-Unis. Les objectifs stratégiques d’Al-Qaïda — chasser les « Juifs et les croisés » des terres d’islam, renverser les régimes « apostats » ou encore mettre en place un califat mondial pour unifier l’Oumma [communauté des musulmans] — n’ont pas été atteints.

À propos de l'auteur

Marc Hecker

Directeur de la recherche et de la valorisation à l’Institut français de relations internationales (IFRI) et rédacteur en chef de Politique étrangère. Il a obtenu le prix du livre géopolitique 2021 pour La Guerre de vingt ans : djihadisme et contre-terorisme au XXIe siècle (Robert Laffont), co-écrit avec Elie Tenenbaum.

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