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L’enjeu des MANPADS

Ces générations sont pour l’essentiel catégorisées en fonction de la qualité des capteurs, l’IR ou l’UV présentant des avantages indéniables. Ces capteurs sont en effet passifs : sauf à disposer d’une détection de départ de missile sur la base d’une vision UV – à l’instar du DDM‑NG équipant les Rafale – ou de discerner la traînée de la motorisation une fois le missile tiré, le pilote ne peut pas savoir qu’il est ciblé. Tout au plus peut-il préventivement tirer des leurres dans l’hypothèse où il le serait… au risque de les gaspiller (2).

Le missile peut également ne pas être doté de capteurs IR ou UV. La Suède et le Royaume-Uni ont ainsi conçu, respectivement, les RBS‑70 et les Starstreak et Martlet comme des engins à commande laser, l’opérateur assurant la désignation de cible et les informations étant transmises par faisceau laser au missile. Ce mode de guidage, également passif, résout par ailleurs la question de la discrimination entre les leurres et la cible, mais présente également l’avantage d’une plus grande polyvalence pour peu que la charge soit adaptée. Dans le cas du Starstreak, la charge est composée de trois flèches en tungstène renfermant une petite charge explosive, l’ensemble étant optimisé pour la destruction d’appareils. En revanche, le Martlet, également à guidage laser, est d’emblée conçu pour être polyvalent : c’est en fait la version opérationnelle du Thales LMM, un engin de 13 kg initialement destiné à équiper les Lynx Wildcat de la Royal Navy pour des missions contre des embarcations légères. Il a en réalité été testé à partir de 2019 en tant que MANPADS, depuis un tube de lancement individuel.

Portabilité variable

La notion de système portable est relative. Si les MANPADS russes, chinois ou encore le Stinger américain sont effectivement portables – le tireur épaulant le système de détection/tir et du missile avant de tirer –, d’autres systèmes reposent, littéralement, sur un trépied. C’est le cas pour le RBS‑70 ou encore pour le Mistral. Un RBS‑70 prêt au tir pèse 87kg, trépied compris, mais peut atteindre les 9 km de portée. Le Starstreak peut être tiré individuellement – et être portable – et un trépied avec trois missiles prêts au tir est également disponible. Du reste, il peut également être monté sur véhicule : le Stormer, de la famille des CVR‑T, dispose ainsi de huit missiles prêts au tir. L’Ukraine devrait recevoir plusieurs engins de ce type, en plus de Starstreak utilisables individuellement.

En la matière, tout est une question de doctrine. Les États-Unis utilisent ainsi le Stinger individuellement, mais aussi intégré, en deux pods SVUL (Stinger vehicle universal launcher) de quatre engins, sur les Avenger ; un SVUL équipant les Stryker IM‑SHORAD récemment déployés (3). Nombre d’États ont installé leurs Mistral sur des plateaux de véhicules légers, et MBDA propose une installation sur tourelle comprenant quatre missiles prêts au tir, des capteurs électro-­optiques et une mitrailleuse de 12,7 mm. Il en est de même pour l’alerte avancée, certains États couplant leurs unités MANPADS à des radars permettant d’optimiser le séquençage de la détection, de l’acquisition et du tir.

Des classiques et de nouveaux venus

Le théâtre ukrainien montre une grande diversité de systèmes engagés, découlant de nombreux dons faits à Kiev. La Military Balance 2022 recensait des SA‑18 en dotation dans la force aérienne, mais pas de MANPADS dans les forces terrestres. Entre-­temps, celles-ci ont reçu 2 700 Strela‑2M/SA‑7B provenant d’anciens stocks est-allemands, dont environ 700 se sont avérés inutilisables. Berlin a également envoyé 500 Stinger et les Pays-Bas 200, tandis que les États-Unis, la Lettonie, la Lituanie et l’Italie en fournissaient également – sans que le nombre précis ne soit connu. Début mars, il était question de 1 400 missiles américains, mais ce nombre a certainement évolué depuis cette date. Il faut y ajouter des Starstreak et Martlet britanniques, des Mistral norvégiens et français, mais aussi des Grom et Piorun polonais.

Reste aussi que la guerre d’Ukraine a montré que le secteur du SHORAD (Short range air defense) avait été négligé dans le monde atlantique – en dépit de son utilité pourtant avérée durant les guerres de Syrie ou du Haut-Karabagh.

Aux États-Unis, le Stinger a certes connu une évolution régulière durant les années 1980. À la fin des années 1990, le Block 2 devait intégrer un capteur matriciel de plan focal, devant permettre de considérer le missile comme étant de quatrième génération. Le programme avait cependant été abandonné après avoir connu des retards et, de fait, les guerres d’Afghanistan et d’Irak n’avaient pas montré de besoin particulier en termes de MANPADS. Le programme aurait cependant eu pour avantage de relancer la production du missile. Le Stinger a une portée d’environ 8 000 m, pour une altitude d’engagement d’environ 3 500 m. Le missile et son système de lancement pèsent 15,2 kg.

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