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Retour d’expérience : 44 jours sur le Haut-Karabagh

L’Azerbaïdjan a toujours contesté l’équité des accords de 1994 sur le partage, avec l’Arménie, de la région du Karabagh. Appauvrie, l’Arménie pense compenser ses faiblesses en insistant sur l’entraînement de ses soldats. Toutefois, les affrontements de 2016 attestent d’une bascule du rapport de force. Aidée par la rente pétrolière, Bakou joue de ses liens diplomatiques pour obtenir de nouveaux armements stand-off (2). Les combats reprennent le 27 septembre 2020. Ils sont intenses, avec des spécificités technico-­opérationnelles inédites. Menés avec des moyens modernes, ils sont abondamment suivis et commentés. L’abondance d’informations en sources ouvertes permet de tirer quelques conclusions.


L’Arménie, une modernisation
 à peine entamée

Une discorde sur la composante aérienne

Conserver une aviation de combat est un choix que toutes les nations de l’ex-bloc socialiste ne font pas. Le parc opérationnel arménien se veut polyvalent. Pour l’attaque au sol, il compte huit bombardiers tactiques Su-25, sept avions d’entraînement L-39, ainsi que six hélicoptères d’attaque Mi-24. Un saut capacitaire est tenté avec l’achat de quatre chasseurs multirôles russes Su-30SM, livrés en décembre 2019, ce qui suscite des controverses du fait notamment de leur coût. Peu de données existent sur le niveau d’entraînement des forces aériennes. Elles ne sortent pas du territoire arménien et ne participent à aucun exercice majeur avec la Russie.

Une défense sol-air puissante en quantité, répartie en deux commandements

Les systèmes sol-air des forces aériennes ont vocation à protéger l’intérieur du territoire, à distance de la ligne de front. Elles mettent en œuvre six batteries de S-300PS et S-300PT/SA-10, d’une portée d’environ 75 km contre un aéronef. Ces armes assez performantes ont été données par la Russie en 2015. À cela s’ajoutent quatre batteries de S-125/SA-3, d’une portée de 23 km et pouvant faire face à des drones de taille moyenne. S’agissant des forces terrestres, elles fournissent l’ossature de la défense antiaérienne du Haut-­Karabagh. Elles arment deux batteries de Kub/SA-6 (24 km de portée) et une de Krug/SA-4 (50 km). Anciens, ces matériels ne représentent guère de menaces pour les drones. Une quarantaine de systèmes à courte portée (9 km) Osa/SA-8 sont répartis sur la ligne de front. Quatre systèmes sol-air Tor-M2/SA-15C ont été livrés par la Russie en décembre 2019. Leur portée face à des drones est d’environ 9 km, avec une probabilité de coup au but supérieure à celle des SA-8.

Une composante terrestre aux racines soviétiques

L’atout principal des Arméniens repose sur l’artillerie conventionnelle non guidée. Des centaines de pièces de 122 mm et de 152 mm sont renforcées par des lance-­roquettes multiples. Une capacité de frappe en profondeur existe, avec des systèmes Tochka/SS-21 (120 km) et Elbrus/Scud (300 km). Plusieurs complexes Iskander-E ont également été acquis en 2016. Ils engagent le missile balistique de théâtre 9M723E, au guidage inertiel précis et d’une portée à peine inférieure à 300 km. Les forces motorisées disposent surtout de chars T-72B et de blindés de transport de troupes BMP-2. Environ 40 000 hommes (3) sont détachés auprès de l’armée de défense du Haut-­Karabagh, mais ils manquent d’expérience de terrain.

Des capacités C4I (4) en deçà des besoins

L’Arménie est dotée de stations de brouillage russes Repellent performantes. Nul moyen de reconnaissance électronique moderne n’est cependant présent, malgré une situation géographique favorable pour percevoir les émissions de l’Azerbaïdjan.

Pour l’Azerbaïdjan, des investissements calculés dans de multiples domaines

Une aviation concentrée sur l’appui tactique

L’armée de l’air doit d’abord assurer la protection de Bakou, à l’aide de 13 chasseurs MiG-29, datant de l’ère soviétique (5). Une seconde composante intervient sur la ligne de front. Elle est mieux préparée : 19 bombardiers d’assaut Su-25, revalorisés en 2019 (emploi de bombes à guidage laser, pods de brouillage). À ces avions s’ajoutent différents types d’hélicoptères – 24 Mi-35M3, 21 Mi-24 et 60 Mi-17 – voués à l’appui-feu, à l’évacuation de blessés, ou à la dépose de troupes sur des points difficiles d’accès. L’Azerbaïdjan peut aussi compter sur l’appui d’Ankara. En effet, six chasseurs F-16, ainsi que des drones Bayraktar TB2, arrivent de Turquie en juillet 2020, dans le cadre d’un exercice conjoint. Ils sont encore en Azerbaïdjan fin septembre (6).

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