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L’Ukraine à la porte de l’UE ?

L’Ukraine se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : l’itinéraire de l’intégration est clair, mais la difficulté pour y arriver est nettement plus grande qu’il y a un an. Le pays doit survivre face à la guerre d’usure avec la Russie, tout en remplissant des normes de l’acquis communautaire, en trouvant un équilibre entre les intérêts contradictoires des États membres de l’UE.

Ce dernier point est particulièrement crucial pour l’adhésion, une fois que l’Ukraine aura rempli les sept conditions postcandidature fixées par la Commission européenne en juin (1). En effet, malgré un soutien unanime des pays de l’UE, l’Ukraine est souvent perçue comme un pays corrompu qui ne parvient pas à se conformer aux normes de l’État de droit de l’UE. Or, l’historique de la mise en œuvre de l’accord d’association démontre que l’Ukraine possède un contexte beaucoup plus complexe et diversifié avec des réformes internes qui ont connu leur lot de succès, d’échecs et de défis.

Les progrès de l’Ukraine depuis 2014

Il n’existe pas de système de notation officiel pour mesurer les progrès de l’Ukraine dans la réalisation du programme de l’accord, contrairement à ce qui est fait par exemple par la Commission européenne vis-à-vis des pays candidats des Balkans occidentaux. Par conséquent, l’UE s’abstient officiellement de noter les derniers résultats des progrès réalisés par l’Ukraine, communiqués par le gouvernement fin juin 2021 : 60 % des tâches assignées aux acteurs étatiques par l’accord ont été remplis selon l’office d’État pour l’intégration européenne ; et 48 % de progrès « généraux » (25 % de tâches « entièrement accomplies » et 23 % d’étapes intermédiaires) selon le Centre ukrainien pour la politique européenne (UCEP).

Par ailleurs, les progrès diffèrent d’un secteur à l’autre (2). Ainsi, parmi les 24 secteurs de l’accord d’association (voir graphique p. 52), on distingue clairement les « leaders » et les « marginaux ». Si le secteur OTC (obstacles techniques au commerce), les marchés publics ou le droit des sociétés sont en passe d’être reconnus comme « totalement alignés sur l’acquis et les pratiques de l’UE », d’autres domaines présentent des progrès mitigés. C’est notamment le cas :

 des réformes « fondamentales » ou « horizontales », telles que le système judiciaire, les mécanismes de la lutte contre la corruption, le système de gouvernance publique, la réforme de la décentralisation. Depuis 2014, l’Ukraine connait des changements spectaculaires dans les réformes institutionnelles et la création de nouvelles institutions. Les exemples incluent la création d’organes spéciaux de lutte contre la corruption, des changements dans les procédures de sélection des juges et des fonctionnaires, la répartition des pouvoirs et des ressources du niveau central au niveau local, etc. Cependant, la mise en œuvre pratique des réformes s’est heurtée à la résistance persistante des élites politiques au pouvoir, désireuses de maintenir à tout prix leurs pratiques de capture de l’État. Le principal moteur des progrès dans ces domaines provient de la pression directe et indirecte des partenaires occidentaux, en particulier des États-Unis et de Bruxelles. Les leviers d’influence consistent en un soutien politique et économique important pour Kyiv, comme la libéralisation des visas ou l’assistance financière. Le rôle de la société civile ukrainienne constitue la clé pour faire avancer les réformes pro-européennes ;

 des réformes « commerciales » qui comprennent les droits et les quotas pour les marchandises ukrainiennes, les règlements OTC et SPS [mesures sanitaires et phytosanitaires], les procédures douanières ou le commerce des services qui a enregistré le plus de progrès grâce aux avantages accordés aux grandes entreprises ukrainiennes exportatrices vers l’UE et le soutien des élites politiques ;

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