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Le RS-28 Sarmat : « (no) sympathy for the devil ? »

Le monde des médias a ceci de fascinant que la moindre annonce en rapport avec les armements nucléaires semble vite mettre tout le landerneau en éveil : les différentes annonces du président russe depuis le lancement de l’« opération militaire spéciale » (sic) en Ukraine relatives à la possession de l’arme nucléaire par les Russes, et ce malgré l’absence de nouveauté de celle-ci – la Russie ne vient pas soudainement d’accéder au statut de puissance nucléaire le 24 février 2022 – semblent avoir pas mal agité les esprits.

Les propos du président russe s’inscrivent clairement dans une stratégie déclaratoire et non dans une menace réelle (le niveau d’alerte des forces stratégiques russes n’a pas changé) bien qu’ils ne doivent pas être pris à la légère (1), pas plus qu’il ne soit nécessaire de les dramatiser à outrance pour autant. Néanmoins, le futur missile balistique intercontinental RS‑28 Sarmat (2) (index GRAU 15A28 ; classification OTAN : SS‑X‑30) a pas mal focalisé l’attention sur lui, ce dernier étant prétendument connu sous le nom « Satan‑2 ».

Le nom de « Satan‑2 », malgré un côté médiatiquement vendeur (surtout pour un gros titre), n’a strictement rien d’officiel et n’est qu’une extrapolation sur la base du nom, bien officiel lui, attribué à un autre modèle d’ICBM soviéto-­russe en service depuis plus de 40 ans, le SS‑18. Certes, les classifications russes (index GRAU, code constructeur, etc.) sont moins « sexy » dans un gros titre qu’un nom du type « Satan », mais un peu plus de rigueur et moins de sensationnalisme ne font de mal à personne. Surtout dans ce domaine.

La Force des fusées stratégiques de la Fédération de Russie (plus connues sous l’acronyme RVSN RF (3)) est dotée d’une flotte de missiles balistiques intercontinentaux que l’on peut classifier en deux grands types de missiles : les missiles que l’on peut qualifier de « lourds », présentant une masse au décollage supérieure à 100 t, et les missiles « légers » dont cette même masse oscille autour de 50 t. Les missiles lourds ne sont installés qu’en silos tandis que les missiles légers, qui sont représentés par la famille des Topol‑M et Yars, peuvent être installés sur lanceurs mobiles ou en silos. Deux modèles d’ICBM « lourds » sont en service au sein des RVSN en 2023 :

• le complexe 15P018M Voyevoda avec missile R‑36M2/15A18M (Code OTAN : SS‑18 Mod. 5 et Mod. 6 Satan) : ICBM en silos, mirvé ;

• le complexe 15P035 avec missile UR‑100N UTTKh/15A35 (Code OTAN : SS‑19 mod. 2 Stiletto) : ICBM en silos, mirvé.

Ces deux modèles de missiles, admis au service à l’époque soviétique, vont devoir être remplacés dans les années à venir, et ce pour deux raisons très différentes. L’UR‑100N UTTKh entré en service dès 1975 a atteint la fin de sa durée de vie active tandis que le R‑36M2 est un missile qui a été développé et produit à Dnipropetrovsk (Ukraine) par le tandem constitué du bureau d’études Yuzhnoye et de l’usine Yuzmash. La rupture de la coopération militaro-­technique entre l’Ukraine et la Russie dès 2015 a mis les Russes devant le fait accompli : à terme, sa flotte d’ICBM lourds risquait de devenir inutilisable. Cette problématique du vieillissement ayant été identifiée dès le milieu des années 2000, les premières annonces de la mise en développement d’un nouveau modèle d’ICBM lourd apparurent en 2009. C’est un décret (4) du gouvernement de la Fédération de Russie daté du 21 décembre 2010 qui va lancer un programme de recherche et développement répondant au nom de « Sarmat ». La signature le 21 juillet 2011 du contrat étatique (5) entre le bureau d’études Makeyev et le ministère de la Défense marque le début concret des travaux de développement de ce nouvel ICBM.

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