Parmi les projets en cours, le mégaport d’El-Hamdania, à 100 kilomètres à l’ouest d’Alger, près de Cherchell, dont le contrat a été signé en 2016 pour un montant de plus de 4 milliards de dollars, devrait être l’un des plus grands hubs maritimes de la Méditerranée occidentale. Il a pour vocation d’être une pièce maîtresse des nouvelles routes de la soie et s’inscrit dans la stratégie de pénétration portuaire portée par la Chine. Dans le domaine des télécommunications, Huawei a acté, en 2017, un partenariat avec Algérie Télécom pour développer le réseau de fibre optique et améliorer le service Internet très haut débit, consolidant sa position d’associé privilégié de l’opérateur algérien.
Visibilité et invisibilité des Chinois en Algérie
Cette présence économique et commerciale se traduit de manière originale et particulière en termes de circulations humaines et d’installation de ressortissants chinois en Algérie. Paradoxalement, dans un pays où le chômage est élevé (de 11 à 14,5 % au cours des dix dernières années), les entreprises chinoises viennent avec leur main-d’œuvre (cadres, techniciens, ouvriers). L’une des grandes spécificités de la compétitivité de ces entreprises est la possibilité qui leur est offerte de venir avec leurs propres travailleurs, leur garantissant des délais de réalisation rapide et des coûts attractifs. Depuis le début des années 2000, et en fonction de l’importance des chantiers, la population chinoise est estimée annuellement entre 40 000 et 80 000 personnes, soit l’une des plus grandes communautés chinoises dans un pays d’Afrique.
La particularité de cette main-d’œuvre est qu’elle vient le temps d’un chantier et retourne ensuite en Chine (2). Les contrats durent deux ou trois ans, et cette population se renouvelle régulièrement. Si les cadres vivent dans des villas louées dans les quartiers résidentiels des grandes villes algériennes (essentiellement Alger, où sont concentrés les trois quarts des sièges sociaux des entreprises chinoises), la main-d’œuvre est installée dans les bases de vie des chantiers situés pour la plupart à la périphérie des pôles urbains et souvent en dehors des villes (chantiers d’infrastructures routières ou hydrauliques).
La vie dans les chantiers et les bases est pour le moins austère. Les ouvriers ont un confort sommaire, partageant à deux ou à trois la même chambre et n’ont que peu d’intimité. Population célibataire, essentiellement masculine, elle reste confinée : les ouvriers chinois, sortant peu et, par mesure de sécurité, rarement seuls, vivent isolés, en marge d’un pays qu’ils ne découvrent pas, n’ayant comme unique horizon durant leur séjour que le chantier et la base. Cette main-d’œuvre a les mêmes caractéristiques que les immigrations de travail qui ont marqué l’Europe occidentale dans les années 1960, notamment les Algériens en France. On y retrouve les principes constitutifs de ce type de stratégie migratoire : partir seul pour une durée déterminée, faire vivre sa famille et rassembler un pécule pour préparer le retour. Ces ouvriers touchent de 120 000 à 250 000 dinars par mois, soit entre cinq et dix fois le salaire minimum algérien. Il n’est pas rare qu’ils travaillent également sur des chantiers de particuliers le week-end. Cette population est ainsi paradoxalement invisible de fait, alors que sa seule présence lui donne une survisibilité dans les imaginaires populaires.
Les commerçants : une présence modeste
À partir des années 2000 et de l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, les produits de grande consommation made in China vont s’imposer dans un marché algérien en plein essor. Rapidement, la République populaire devient la première source d’approvisionnement pour les fournitures en tout genre, notamment les biens à la personne et de la maison, s’imposant, à partir de 2016, comme le premier fournisseur de l’Algérie. En 2019, les importations venant de Chine représentaient 18,3 % du total, devant la France (10,2 %), l’Italie (8 %), l’Espagne (7 %) et l’Allemagne (6,8 %).