Des élections sous contrôle
Du côté du pouvoir législatif, la nouvelle Constitution prévoit la mise en place d’un Parlement bicaméral. Outre l’ARP, Kaïs Saïed veut créer une seconde Chambre, le Conseil national des régions et des districts, chargé des questions de développement des territoires, et composé d’élus locaux. Si ce schéma s’inscrit dans la « vision saïedienne » du pouvoir par la base, il n’est pas sans susciter des interrogations, tant sur le fonctionnement des deux Chambres, leur indépendance et le profil des futurs représentants de la nation. Le nouveau système institutionnel et la modification de la loi électorale risquent de faire du Parlement une simple instance d’enregistrement des décisions présidentielles.
Depuis octobre 2011 et les premières élections libres de l’histoire de la Tunisie, les scrutins sont organisés par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Dotée du statut d’autorité indépendante dans la Constitution de 2014, l’ISIE contrôle et garantit la régularité et la transparence des processus électoraux. Si, depuis le 25 juillet 2021, ses missions sont similaires, sa composition a été modifiée en profondeur : le président de la République s’octroie le pouvoir de nomination et de révocation de tous les membres d’une instance auparavant constituée de personnalités élues par les députés de l’ARP. De plus, l’ISIE semble avoir également étendu ses prérogatives : à quelques semaines du scrutin référendaire, elle publie sur son site une liste des partis, des organisations et des individus autorisés à participer à la campagne pour le référendum. Ainsi, la prise de parole publique pour défendre le « oui » ou le « non » suppose l’obtention, au préalable, d’une accréditation délivrée par l’ISIE. La mise sous tutelle de cet organe menace la transparence de toute élection en Tunisie, y compris les législatives du 17 décembre 2022.
Plus de dix ans après une révolution contre l’autoritarisme, c’est une transformation radicale amorcée par le haut qui est à l’œuvre en Tunisie. Néanmoins, la volonté de Kaïs Saïed de faire table rase de la décennie écoulée finira par se heurter aux revendications de justice sociale, d’emploi et de dignité des Tunisiens, que des réformes d’organisation du pouvoir ne sauront satisfaire.
Légende de la photo en première page : Le 25 juillet 2022, à Tunis, Kaïs Saïed vote au référendum qu’il a lui-même convoqué pour changer de Constitution. © Présidence de Tunisie/Handout via Xinhua