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Les STOVL concrétisent-ils leurs promesses ?

Au cœur du concept de sea control ship, il y avait l’entrée en service des Harrier, qu’il s’agisse du FRS.1 britannique ou de l’AV‑8A américain. Mais leurs capacités restaient limitées – tout comme celles des Yak‑38 Forger soviétiques. Depuis lors, plusieurs projets sont apparus, mais, pour le moment, seul le F‑35B a été rendu opérationnel, en attendant la concrétisation d’un projet chinois. Mais pour quel premier bilan ?

L’histoire du F‑35B se confond avec celle du Joint strike fighter, mais ne s’y limite pas : dès les années 1980, il est question de trouver un remplaçant à l’AV‑8B et au Sea Harrier britannique, au travers des projets Advanced short take-­off/vertical landing (ASTOVL) puis Common affordable lightweight fighter (CALF). Le choix d’une plateforme déclinée en trois variantes a été largement critiqué : la mesure, considérée comme de saine gestion et devant réduire les coûts de développement, d’achat et de mise en œuvre s’est avérée contre-productive (1). C’est en particulier le cas au regard des contraintes liées à la configuration V/STOL (Vertical/short take-­off landing) : propulsion spécifique et tuyères additionnelles de stabilisation (2) ; devis de masse ; conséquences sur le rayon d’action et la charge utile. L’emport en carburant comme en armement est réduit comparativement aux F‑35A, respectivement d’un peu plus de 2,3 t et de 1,3 t. Le positionnement de la soufflante a également impliqué de ne pas pouvoir positionner le canon autrement que dans un pod spécifique.

Le F-35B est, dans une certaine mesure, mal né. Il combine des problèmes qui lui sont spécifiques et ceux affectant l’ensemble de la famille F‑35. Au rang des problèmes spécifiques, il y a notamment des problèmes structurels limitant la durée de vie des premiers appareils produits, tout comme une limitation, pour l’ensemble des F‑35B (3) du domaine de vol supersonique pour réduire les dommages causés à la structure arrière par l’usage de la postcombustion. Si nombre de problèmes de la famille ont été résolus, d’autres restent saillants, comme l’impossibilité d’utiliser l’appareil par temps orageux, la surchauffe à l’intérieur de la cellule, la question de l’intégrité des surfaces à haute vitesse ou encore la mise en œuvre d’armement guidé par laser de manière autonome. Ayant accédé à la capacité opérationnelle initiale dans les Marines en 2015, l’appareil ne va pas cesser d’évoluer. Comme pour les F‑35A et F35‑C, la structure interne et le hardware informatique des premiers appareils produits seront pour partie rétrofités du TR2 au TR3 ; ce qui permettra d’accéder à l’essentiel du standard capacitaire Block 4.

Début 2024, la qualification du standard TR3 était toujours attendue, ce qui a entraîné la suspension des livraisons des premiers appareils répondant à cette norme, potentiellement jusqu’en juin 2024, soit un retard d’un an. Le prix unitaire du F‑35B, longtemps sujet de préoccupation pour les acheteurs potentiels, est appelé à baisser : du Lot 15, soit le premier au standard TR3 au Lot 17, il passe de 80,9 à 78,3 millions. Mais il doit aussi être relativisé en fonction de deux paramètres : d’une part, le coût du rétrofit des premiers appareils du TR2 au TR3, estimé à environ 25 millions de dollars par avion (4)  ; d’autre part, l’ensemble des capacités liées au Block 4 dépendra d’un nouveau radar, l’APG‑85, au coût encore imprécis, mais qui ne sera probablement pas inférieur à dix millions de dollars. Pour la Royal Air Force britannique, ces coûts combinés sont une véritable bombe à retardement – sachant que 14 de ses 48 F‑35B commandés ne pourront pas être convertis au standard matériel, ce qui pose la question d’un éventuel décrochage capacitaire dans les prochaines années et d’un achat de nouveaux appareils en remplacement.

Si tous les problèmes du F‑35B ne sont pas encore résolus, un certain nombre d’inconnues qui laissaient craindre pour le futur des aéronavales britannique, espagnole et italienne sont levées. Engagé en opérations dès septembre 2018 par les Marines, l’appareil acquiert une place centrale pour les capacités de ces pays, mais aussi pour le Japon, qui le choisit lorsqu’il effectue son grand saut vers le porte-­avions ; il devient même le deuxième appareil embarqué le plus utilisé au monde après le F/A‑18E/F Super Hornet, dont près de 700 appareils auront été reçus par l’US Navy.

Sur le plan des performances fondamentales – charge utile, rayon d’action –, le F‑35B reste évidemment inférieur à bon nombre d’appareils de combat, et ce d’autant plus que, pour l’instant, le concept de sea control ship ne prévoit pas l’appui de ravitailleurs en vol. Mais l’évolution est notable : un F‑35B est nettement supérieur à un MiG‑29K et est largement compétitif, dans un combat à distance de sécurité, face au Su‑33 et au J‑15. Dans les missions air-sol, il leur est supérieur du fait de la nature de la mise en œuvre des Flanker et dérivés. Concrètement, l’appareil va continuer d’évoluer avec l’intégration, via le Block 4, d’une série de nouvelles capacités, notamment les munitions Meteor et SPEAR 3, mais aussi le JSM antinavire, la bombe planante JSOW (Joint stand-off weapon) ou encore l’AGM‑158 JASSM (Joint air-to-surface standoff missile) de croisière et l’AGM‑158C LRASM (Long range antiship missile) antinavire. Pour peu que l’aptitude à entretenir les appareils en mer – c’est-à‑dire en lien avec les systèmes logistiques aux États-Unis – soit maintenue, le gain capacitaire sera bien réel.

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