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Proche-Orient et Moyen-Orient : missiles dans la nuit

Le long bras du Sepâh

En mars 2022, le chef de l’US Central Command américain estimait la taille de l’arsenal balistique iranien à plus de 3 000 engins. Qui plus est, les Iraniens ont investi des moyens colossaux dans le durcissement de leurs installations critiques, parmi lesquelles figurent les infrastructures du commandement Al – Ghadir. Une série de complexes souterrains dispersés dans le pays où sont stockés missiles et TEL a ainsi été érigée au cours des deux dernières décennies. En outre, certains de ces sites abritent des chambres de lancement, permettant aux TEL de tirer sans avoir à s’exposer.

Le Sepâh aura fait usage de ses missiles à de nombreuses reprises depuis 1988. Cinq frappes ont été menées de novembre 1994 à avril 2001 contre des camps des moudjahidines du peuple iranien situés en Irak. La dernière d’entre elles induisit le tir simultané d’au moins 44 Shahab‑1 et Shahab‑2. La frappe suivante n’intervint qu’en juin 2017, contre des positions attribuées à Daech en Syrie. Le 8 septembre 2018, une autre attaque ciblait des membres du Parti démocratique du Kurdistan réfugiés dans le Kurdistan irakien, suivie le 1er octobre par une autre frappe, nommée opération « Zarbat al-Moharram » (« frappe de Moharram »), de nouveau contre des positions de Daech en Syrie. Dix-neuf missiles Qiam‑1, Zulfiqar et Fateh‑110 furent tirés durant les trois attaques, la dernière étant combinée avec une frappe menée par plusieurs drones armés Shahed‑191. De fait, le commandement Al – Ghadir et celui des drones ne firent qu’accroître la combinaison de leurs moyens au fil du temps, et ce tout particulièrement avec l’apparition des premiers OWA-UAV (One Way Attack – Unmanned Aerial Vehicle) Shahed‑131 et Shahed‑136 dans l’arsenal du Corps.

Le 3 janvier 2020, à la suite d’une série d’attaques menées par des milices irakiennes proches des pasdarans, un drone américain tuait le général Qassem Soleimani, chef de la force Al-Qods. Cinq jours plus tard, le Sepâh lançait l’opération « Shahid Soleimani » (« martyr Soleimani ») et tirait 16 missiles Fateh‑313 et Qiam (« soulèvement »), dont 11 touchaient la base aérienne d’Al – Asad d’où opéraient une partie des drones américains. Téhéran ayant annoncé son attaque au préalable, seuls une trentaine de militaires américains souffrirent de contusions sévères. L’administration Trump fit alors le choix de ne pas poursuivre l’escalade, minimisant l’incident qui, paradoxalement, fit beaucoup plus de victimes en Iran puisqu’une batterie antiaérienne du Corps abattit par erreur un Boeing 737‑800 d’Ukraine International Airlines qui venait de décoller de l’aéroport international de Téhéran, tuant ce faisant ses 176 passagers et membres d’équipage.

La reprise de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023 vit une intensification des frappes aériennes menées par Israël contre des cibles liées à la force Al-Qods en Syrie, celle-ci y soutenant notamment le Hezbollah libanais. Entre le 2 décembre 2023 et le 2 février 2024, 10 officiers supérieurs appartenant à cette dernière furent ainsi tués dans des frappes israéliennes. Le 15 janvier 2024 en fin de soirée, l’Iran faisait une première démonstration de force : le commandement Al – Ghadir tirait 11 Fateh-110 contre une habitation sise non loin du consulat américain dans la région d’Erbil, tuant un homme d’affaires et plusieurs de ses proches, Téhéran désignant la cible comme appartenant au Mossad alors que, deux heures plus tard, quatre Khaybar Shekan tombaient sur un camp attribué à Daech dans la région d’Idlib, un échange de frappes intervenant également avec le Pakistan.

Le 1er avril 2024, deux missiles aérobalistiques Rampage lancés par des avions israéliens touchaient le consulat de la République islamique d’Iran à Damas, faisant une dizaine de morts, parmi lesquels figuraient trois officiers supérieurs. Téhéran indiqua aussitôt que l’Iran se réservait le droit d’apporter une « réponse décisive » (3).

L’approche de la tempête

La menace suscita l’envoi par Washington de moyens supplémentaires dans la région, sous la forme de chasseurs, d’une batterie THAAD et de destroyers équipés de systèmes antibalistiques, tandis que la Heyl Ha’Avir (force aérospatiale) israélienne renforçait son niveau d’alerte alors que l’Iran transmettait à ses alliés un préavis sur l’attaque à venir.

Le 12 avril, le Hezbollah lançait deux drones – suicides puis, en soirée, près de 40 roquettes contre le nord d’Israël, le mouvement annonçant avoir ciblé des positions d’artillerie. La plupart étaient interceptées tandis que la Heyl Ha’Avir menait comme de coutume des contre – frappes en territoire libanais. Dans la journée du 13 avril 2024, des commandos de la branche navale des pasdarans abordaient le porte – conteneurs MSC Aries, battant pavillon portugais, mais dont l’armateur serait un homme d’affaires israélien, alors qu’il transitait dans le détroit d’Ormuz. Puis, dans la soirée, le Hezbollah tirait 25 roquettes contre une base de Tsahal dans le Golan, prélude à une attaque iranienne inédite par son ampleur.

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