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La défense européenne : un enjeu de sécurité majeur pour l’Union européenne

Alors que la guerre est de retour en Europe, l’OTAN s’est révélée être la seule institution pertinente pour protéger le continent européen contre une menace militaire majeure. L’OTAN constitue-t-elle aujourd’hui le seul gage de sécurité de l’Europe ?

N. Gnesotto : Effectivement, aujourd’hui, l’Alliance atlantique est l’instance reconnue par tous les États membres, France comprise, comme la première instance privilégiée et légitime pour défendre l’Europe. Il est clair que l’invasion russe de l’Ukraine en 2022 a conforté auprès de la plupart de tous ses États membres cette légitimité de l’OTAN comme l’organisme de défense de l’Europe. Pour autant, cela ne veut pas dire que l’OTAN est la seule organisation, et cela ne veut pas dire non plus que cette dernière est légitime sur l’ensemble des questions de sécurité.

Pour ce qui ne relève pas de l’article 5 de l’Alliance atlantique — c’est-à-dire la défense des territoires et des citoyens —, comme la lutte contre le terrorisme ou les cyberattaques, la stabilisation des frontières extérieures de l’Europe ou la gestion des crises en Afrique ou au Moyen-Orient, l’Union européenne (UE) est devenue depuis 2003 un acteur légitime et compétent. Sur la lutte antiterroriste, elle a créé un mandat d’arrêt européen qui s’est avéré efficace. Le traité de Lisbonne de 2007 a intégré une clause d’assistance mutuelle en cas d’attaque, mais aussi de solidarité entre les États membres. En ce qui concerne la stabilisation des crises extérieures, où l’OTAN ne peut pas aller car cela n’intéresse par les Américains, l’UE dispose depuis 2003 de toute une panoplie d’institutions, de moyens et de financements pour permettre à l’UE de faire des opérations extérieures de gestion de crise dans des pays tiers pour prévenir les risques vis-à-vis du territoire européen. Ainsi, depuis 2003, une vingtaine d’opérations de ce type ont été menées, sous commandement européen. C’est cela qu’on appelle la politique de défense européenne.

Mais pour la défense stricto sensu de l’Europe, c’est l’OTAN qui reste l’acteur le plus légitime et le plus efficace pour défendre le territoire européen. Du moins, aussi longtemps que les États-Unis voudront bien la considérer comme telle. Et c’est précisément parce que la tendance lourde, aux États-Unis, est de se libérer de la contrainte européenne, que les membres de l’Union ont commencé à réfléchir sérieusement à leur autonomie stratégique. 

Si le choc de la guerre en Ukraine a entrainé une réaction solidaire de l’UE, l’état de la menace russe n’a pas été perçu de la même façon partout en Europe. Comment expliquer cela ?

Au sein de l’UE, le choc de la guerre en Ukraine a été ressenti par tous. Ce fut d’abord une surprise, car personne en Europe ne s’attendait à cette invasion. Mais immédiatement après, un très large consensus s’est manifesté pour aider l’Ukraine militairement, financièrement et sur le plan humanitaire. Assez vite, la Hongrie a manifesté quelques réticences, mais Budapest n’a pas mis son veto à la mise en œuvre de cette assistance à l’Ukraine. Depuis, les Hongrois véhiculent une vision de la Russie comme un pays ayant un problème avec l’Ukraine, mais ne constituant pas une menace pour l’UE ; donc un pays avec lequel il faut continuer d’avoir des relations. La Hongrie se veut le pivot d’une attitude beaucoup plus conciliante vis-à-vis de la Russie, mais Viktor Orbán a du mal à convaincre ses partenaires. Le consensus européen pour dénoncer l’attitude de la Russie envers l’Ukraine tient. En revanche, s’il tient au niveau des dirigeants politiques, ce n’est pas la même situation concernant les forces politiques au sein de l’UE où la vision du Premier ministre hongrois est partagée par certains chefs de partis populistes. C’est le cas en France, où le Rassemblement national manifeste une attitude plus conciliante à l’égard de Moscou. C’est également le cas en Slovaquie par exemple, ou en Allemagne pour l’AFD.

À propos de l'auteur

Nicole Gnesotto

Professeure émérite au Conservatoire national des arts et métiers où elle a créé la chaire « Union européenne », vice-présidente de l’Institut Jacques Delors, spécialiste des questions européennes et de défense et auteure de L’Europe : changer ou périr (Tallandier, 2022) et Choisir l’avenir : 10 réponses sur le monde qui vient (CNRS éditions, 2024).

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