Magazine Les Grands Dossiers de Diplomatie

L’Iran à l’heure des choix

Faisant le bilan de quatre décennies d’expérience de l’islam politique, l’Iran veut-il simplement adapter sa politique de résistance et de puissance nationaliste pour sauver le régime islamique, ou souhaite-t-il construire une nouvelle politique de nation fiable et responsable, alors même que les obstacles à surmonter sont nombreux au sein même du pays ?

La République islamique d’Iran, fondée en 1979, devait s’effondrer en quelques semaines, mais elle a connu une consécration politique quatre décennies plus tard avec la signature en 2015 du JCPOA (1) avec les grandes puissances, dont les États-Unis, sur le contrôle du programme nucléaire iranien et la levée des sanctions économiques. Une nouvelle ère de prospérité semblait s’ouvrir quand, trois ans plus tard, le président Donald Trump a déchiré l’accord et imposé à nouveau des sanctions économiques.

Après des mois de négociations sous l’égide de l’Union européenne, l’échec des négociations de Vienne sur la restauration de l’accord de 2015 ne présage rien de bon, même si une dynamique de négociation semble subsister notamment avec l’Europe, la Chine et les pays de la région. Des choix politiques forts et durables s’imposent, à Washington comme à Téhéran, mais l’Iran du président Ebrahim Raïssi a-t-il vraiment la volonté ou la capacité de changer de langage, de politique et de choix stratégiques ? De passer d’une logique de puissance nationaliste et islamique à une logique d’influence, pacifique, qui répondrait aux capacités et aux ambitions légitimes de la population iranienne ?

Résistance ou isolement international ? 
Nationalisme et puissance

Malgré la rupture avec les États-Unis et l’affirmation de l’islam politique, la République islamique a conservé les principes nationalistes et les ambitions de puissance de Mohammad Reza Chah Pahlavi (1941-1979), qui avait même initié un programme nucléaire dont les possibles évolutions militaires étaient à peine cachées (2). Depuis, les interventions iraniennes dans toute la région contre des agressions militaires extérieures, politiques, économiques ou culturelles réelles ou supposées, venant notamment des États-Unis et d’Israël, ont été légitimées par un discours de « résistance » nationale. Ces ingérences iraniennes dans la région et les actions terroristes perpétrées en Europe dans les années 1980, et bien sûr le programme nucléaire, sont par contre vus à l’étranger comme l’expression prioritaire d’une République islamique hégémonique contrôlée par un clergé chiite radical et par les Gardiens de la révolution.

Cette politique de « résistance », de « défense des intérêts nationaux », a connu des succès incontestables en repoussant l’invasion irakienne, en créant le Hezbollah face à Israël, ou en exécutant des prises d’otages au Liban, ou des actions terroristes en France, en Allemagne ou en Argentine. Plus tard, la Force Qods des Gardiens de la révolution a acquis une solide expérience militaire en Syrie et en Irak contre l’État islamique (Daech) et pour soutenir les régimes en place. L’industrie nationale d’armement a fait des progrès remarquables et produit des missiles qui ont frappé avec une grande précision des bases militaires américaines en Irak, des raffineries en Arabie ou les bureaux supposés du Mossad à Erbil. Enfin et surtout, le programme nucléaire, relancé de façon clandestine à partir de 1982, est devenu le symbole de la volonté de résistance nationale de l’Iran. Il a été développé avec une grande efficacité, permettant à l’Iran d’être de facto au « seuil nucléaire » du point de vue technologique, c’est-à-dire capable de produire rapidement, s’il le souhaitait, une arme atomique. Ce programme nucléaire placé sous le contrôle de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) a souvent fait l’objet de débats idéologiques plus que militaires ; il est désormais la clé de voûte de toute la politique nationale et internationale de la République islamique et des négociations autour du JCPOA.

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