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La Bosnie-Herzégovine : principale source d’instabilité des Balkans ?

Face aux velléités sécessionnistes de la Republika Srpska (« République serbe »), la Bosnie-Herzégovine fait aujourd’hui face à une situation largement considérée comme la plus grande menace existentielle à laquelle le pays ait été confronté depuis l’adoption des accords de Dayton et la fin de la guerre en 1995.

Les tensions sont vives en Bosnie-Herzégovine, alors que Milorad Dodik, le membre serbe de la présidence tripartite bosniaque, multiplie les mesures ostentatoires vers la sécession. Si le pays n’est certes pas étranger aux troubles politiques et à l’instabilité, cette situation tendue se trouve présentement exacerbée par la guerre en Ukraine, qui force les acteurs régionaux à prendre des positions diamétralement opposées.

Un contexte particulier

Les accords de paix de Dayton de 1995 définissent la Bosnie-Herzégovine (B-H) comme étant constituée de deux « entités » : la Fédération de B-H (FB-H) et la Republika Srpska (RS). Alors que la FB-H se compose de 10 cantons, la RS possède un système politique unitaire. Outre la Constitution de B-H, les entités et les cantons ont leurs propres constitutions, gouvernements, assemblées législatives et judiciaires. Dans toute sa complexité, le système politique et constitutionnel de la B-H est basé sur le principe de la parité entre trois groupes ethniques désignés comme peuples constitutifs — les Bosniaques, les Croates et les Serbes — et reflète l’équilibre des pouvoirs entre les groupes ethniques au terme de la guerre de Bosnie qui a eu lieu entre 1992 et 1995 (1). Le principe des peuples constitutifs imprègne tous les niveaux du système politique et constitutionnel, les trois groupes bénéficiant d’une représentation et d’une participation garanties au gouvernement, aux législatures et même au pouvoir judiciaire. Ce système s’avère toutefois bien imparfait. Ainsi, il existe 14 autres minorités ethniques non représentées dans ce système de partage du pouvoir, ce qui a été jugé discriminatoire par la Cour européenne des droits de l’homme en 2009 (2).

Depuis plusieurs années, la Bosnie-Herzégovine est soumise à deux tendances opposées, l’une visant une fédéralisation accrue et l’autre une centralisation renforcée. La première tendance correspond aux menaces répétées d’organiser des référendums d’indépendance en RS et aux revendications de créer une troisième « entité » à majorité croate. La tendance de centralisation fait référence aux tentatives périodiques des partis bosniaques d’établir un système unitaire en vue de revenir à la Constitution de 1992. Cette tendance est née de la crainte d’une rupture de la RS qui entraînerait une autonomie accrue pour les Croates. Parallèlement, les Serbes et les Croates redoutent une perte de leur autonomie au profit de tendances centralisatrices. Ces tractations rendent difficile la coexistence et alimentent une méfiance mutuelle, voire des tensions, à tous les niveaux de gouvernement.

Périodiquement, les dirigeants de la RS agitent la menace de référendums sur l’indépendance en réponse à la délégation de pouvoirs des entités vers l’État national. Le gouvernement de la RS s’oppose également à l’adhésion à l’OTAN et à l’existence même d’un système judiciaire au niveau national de la B‑H. Après avoir annoncé la création d’une armée de la RS en septembre 2021 — ce qui avait déjà alarmé les chancelleries occidentales —, Dodik a dévoilé, le 28 octobre 2021, un document stratégique contenant une longue liste de revendications. Dans ce document, il exige entre autres un rapatriement des pouvoirs des institutions de la B‑H vers des organismes sous l’autorité de la RS, notamment en matière de défense, de renseignement et d’institutions judiciaires ainsi que sur le plan fiscal. La loi jetant les bases de cette réforme a été adoptée le 20 octobre 2021, bien que l’opposition de la RS ait boycotté le parlement le jour de son adoption.

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