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Défense belge. Changement de posture

Le conseil des ministres belges a approuvé, début mai 2022, le plan STAR (Security & service, technology, ambition, resilience), qui consacre un changement majeur dans la politique de défense d’un pays qui, depuis la fin de la guerre froide et jusqu’en 2017, avait massivement désinvesti. Avec à la clé d’importantes conséquences en termes capacitaires.

La Belgique revient de loin en ce qui concerne la défense : en 2015, nous pouvions écrire que ses forces armées étaient dans un état d’agonie (1). Au moment de la parution de cet article, un premier processus capacitaire avait été lancé par le gouvernement, débouchant en 2016 sur la publication d’une Vision stratégique et le lancement de plusieurs programmes structurants : 34 F-35 en remplacement des 54 F-16 ; un ravitailleur en vol ; quatre drones MQ-9B ; l’arrimage à SCORPION pour la Capacité motorisée (CAMO) (2) ; le remplacement des frégates et des chasseurs de mines. Plusieurs commandes avaient alors été passées, mais d’autres étaient reportées, devant être concrétisées par les gouvernements suivants. Face aux craintes de nouvelles réductions budgétaires et d’annulation de plusieurs programmes, une Loi de programmation militaire 2016-2030 avait pour la première fois été mise en place en mai 2017.

En janvier 2021, le nouveau gouvernement a lancé à son tour un processus stratégique, cette fois plus large. Il a d’abord mobilisé un comité stratégique d’experts chargé de travailler sur un document de caractérisation de l’environnement stratégique à horizon 2030, mais aussi sur les capacités militaires requises. Rendus en mai 2021, Security environment 2021-2030 et Update of the Strategic Vision 2021-2030 : recommendations ont été présentés à la Chambre des représentants le mois suivant. Sans surprise, les rapports mettaient en évidence la dégradation de l’environnement stratégique, l’accroissement des rivalités internationales, le rôle des stratégies d’influence, l’importance du cyber ou encore le besoin d’une plus grande attention portée à la défense et à la sécurité collective et l’insuffisance des moyens de la défense belge pour y faire face. L’analyse a contribué à l’établissement du plan STAR, lui-même adossé à l’actualisation de la Loi de programmation militaire.

Concrètement, le plan reprend et approfondit les choix effectués précédemment, d’abord sur le plan budgétaire. Les dépenses de défense belges (3) étaient passées sous la barre de 1 % du PIB. Si la Vision stratégique de 2016 ambitionnait de relever les dépenses au niveau de la moyenne des États européens membres de l’OTAN ne disposant pas d’armes nucléaires – soit 1,24 % au maximum des crédits de paiement –, cette comparaison tendait à perdre de son sens. En effet, nombre de pays européens ont accru leurs budgets. Dans le même temps, l’ensemble des commandes prévues n’étaient pas réalisées. De nouveaux investissements étaient donc nécessaires, générant par ailleurs de vifs débats quant à la trajectoire budgétaire poursuivie – sur fond de montée des tensions aux frontières de l’Ukraine, puis de guerre.

Si un premier consensus sur le financement du plan STAR permettait d’atteindre1,54 % du PIB d’ici à 2030 (février 2022), le gouvernement a finalement fixé comme objectif 2 % du PIB à l’horizon 2035 – soit de quoi inquiéter les plus pessimistes, qui remarquent que, dans les conditions nécessaires à l’atteinte de cet objectif, le budget ne doit pas être réalisé au détriment d’investissements liés au climat ou aux « défis sociétaux » (4). Du reste, l’accord souligne aussi dans ses conditions un certain nombre de points centraux pour le plan STAR, comme l’utilisation de la défense en cas de catastrophes, son appui aux questions de cybersécurité, la nécessité d’un ancrage européen (y compris pour les projets industriels) et de plus grands retours pour l’industrie belge. Ces deux derniers points sont d’ailleurs systématiquement évoqués dès lors qu’il est question des capacités.

Au-delà de la concrétisation de trajectoires budgétaires, par définition dépendantes du bon vouloir des gouvernements – en particulier lorsqu’elles vont au-delà du terme de la Loi de programmation militaire –, l’évolution de la défense belge augurée par le plan STAR montre des changements majeurs. Organiquement, une composante « cyber-influence » sera ainsi mise en place sur la base d’un commandement cyber, lui – même établi dès cette année au sein du SGRS (5), le service de renseignement militaire. À terme, ce commandement deviendra une composante, sur pied d’égalité avec les composantes terre, aérienne, navale et médicale. Elle s’appuiera notamment sur une « cyber reserve force », mais aussi sur des logiques interministérielles. La finalité même de cette composante, dans le domaine cyber, est large : si elle inclut le renseignement, elle comprend également des actions défensives, et, potentiellement, offensives, y compris en coalition. La future composante sera aussi chargée de la StratCom, avec des sous – capacités PSYOPS, de coopération civilo – militaire et de 
relations publiques.

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