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Birmanie : les défis de la « dernière guerre »

Après dix ans de transition démocratique, l’armée birmane a repris le pouvoir, déclenchant une vaste insurrection. Pour les opposants, c’est l’ultime combat pour la liberté, mais les obstacles sont de taille.

La parenthèse se referme

En 2011, après un demi-siècle de dictature, l’armée birmane (Tatmadaw) cède le pouvoir au régime quasi-civil de U Thein Sein. En novembre 2015, les premières élections libres portent au pouvoir la National League for Democracy (NLD) de l’opposante Aung San Suu Kyi. Son quinquennat est heurté, entre massacre de la minorité musulmane des Rohingya d’Arakan (2016-2017), négociations au point mort avec les Ethnic Armed Organizations (EAO, guérillas ethniques sécessionnistes depuis l’indépendance de 1948), et croissance économique décevante. 

Néanmoins, le scrutin de novembre 2020 est un nouveau triomphe pour la NLD. Le résultat, pourtant validé par les observateurs, est contesté par l’Armée, qui prétexte des fraudes électorales massives. La tension monte avant la première session du nouveau Parlement, le 1er février 2021. Dans la nuit du 1er février 2021, l’Armée arrête Aung San Suu Kyi, le président Win Myint et tous les parlementaires. Invoquant la Constitution de 2008, le Senior General Min Aung Hlaing déclare l’état d’urgence et prend la tête d’un State Administration Council (SAC), chargé d’organiser de nouvelles élections. 

L’escalade

D’abord discrète, la contestation populaire monte vite : des millions de manifestants pacifiques chantent leur opposition et exigent la libération de leurs dirigeants. En première ligne, cette « Génération Z » qui s’est construite dans l’ouverture de la décennie 2010. En face, les forces de sécurité restent pour l’essentiel l’arme au pied. En parallèle, des centaines de milliers de fonctionnaires quittent leur poste dans un vaste mouvement de désobéissance civile.

Birmanie : le chaos sécuritaire

En dépit de la nature pacifique de l’opposition, la tension monte. Un premier basculement intervient le 28 février 2021, lorsque la police ouvre le feu sur les manifestants à Rangoun. Le mois de mars est marqué par des affrontements quotidiens entre police, armée et jeunes activistes, parfois munis d’armes de fortune. Cette violence culmine le 27 mars, Jour des Forces Armées, pendant lequel au moins 145 civils sont tués.

En avril s’ouvre une nouvelle phase. De nombreux Birmans adoptent une résistance passive plus discrète : aide aux fonctionnaires en désobéissance civile, boycott des entreprises d’État, refus d’envoyer les enfants à l’école. En parallèle, une frange de la jeunesse opte pour la résistance armée, gagnant les périphéries du pays pour se former au sein des EAO ; à Rangoun et à Mandalay, on observe les premiers attentats à la bombe ; dans les zones rurales, des People’s Defence Forces (PDF) émergent et mènent les premières embuscades contre des convois de l’armée. Une certitude : c’est l’ultime bataille pour expulser l’Armée du pouvoir.

L’opposition politique prend la forme d’un National Unity Government (NUG) qui, bien que construit autour d’un noyau NLD, parait plus inclusif, rassembleur et moderne que l’équipe d’Aung San Suu Kyi. Sur le plan politique, il promeut un fédéralisme poussé, nouveau pacte entre les 135 ethnies du pays pour mettre fin à 70 ans de conflits. Sur le plan militaire, il porte un projet d’armée fédérale, rassemblant EAO historiques et nouvelles PDF.

La situation économique se détériore : le PIB chute de 18 % en 2021, l’inflation sur un an atteint 18 % en avril 2022 ; le prix de l’essence triple, celui du riz augmente de 50 %. La monnaie locale, le kyat, s’effondre, et le marché noir prospère. Dans l’espoir d’endiguer la dynamique — et de couper les financements de la résistance —, le SAC impose des restrictions bancaires. Les investissements directs étrangers chutent ; plusieurs multinationales — et les Birmans qualifiés — quittent le pays. La criminalité, longtemps marginale, bondit. 

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