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L’Australie et le Canada face à la puissance chinoise : des relations dégradées en quête d’apaisement

De plus, la domination technologique de la Chine dans certains secteurs clés, comme celui des télécommunications, qui illustre également sa stratégie d’influence, soulève de sérieuses préoccupations pour la protection des données sensibles des Canadiens. En mai 2019, Justin Trudeau a par conséquent annoncé exclure Huawei du déploiement de son réseau 5G. Le Canada rejoint les autres membres de l’alliance de renseignement Five Eyes (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni), qui avait déjà tranché en défaveur du groupe chinois.

Ce revers a suscité le courroux de Pékin et aggravé davantage les tensions qui perdurent entre le Canada et la RPC, comme en atteste le vif échange entre Justin Trudeau et Xi Jinping capté par les caméras en marge du G20 à Bali, le 16 novembre 2022. Si une sortie de crise dans la relation sino-canadienne apparaît lointaine, les rapports entre l’Australie et la Chine semblent à l’inverse en voie d’apaisement.

L’apaisement par la coopération énergétique

Dans le contexte de la crise énergétique mondiale induite par la pandémie, et plus récemment la guerre en Ukraine, la Chine — premier consommateur d’énergie de la planète, notamment de charbon — a ajusté sa stratégie de sécurité énergétique. Même si l’Australie reste le premier fournisseur de gaz naturel liquéfié de la Chine (devant le Qatar), cela fait plus de deux ans que la RPC impose une interdiction non officielle sur les importations australiennes de charbon, une ressource pourtant essentielle à l’activité économique chinoise. Accusant de fait une baisse significative de ses exportations houillères entre 2021 et 2022 (-7,4 % pour le charbon thermique et -5,2 % pour le charbon sidérurgique) (5), Canberra s’est tournée vers d’autres marchés asiatiques tels que l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et Taïwan.

Au regard de la politique énergétique récente de la Chine, cet embargo sur le charbon australien marque un revirement à 180 degrés. En effet, pour garantir ses approvisionnements houillers, la RPC s’est lancée dans une vaste campagne d’acquisitions d’actifs miniers à l’étranger. En 2009, par exemple, l’entreprise Yanzhou Coal a acquis pour un montant de trois milliards de dollars (US) la compagnie australienne Felix Resources. Un autre exemple, qui témoigne de l’influence de la RPC comme puissance charbonnière dans son environnement régional, renvoie au contrat, qualifié de « contrat du siècle », signé en 2018 avec la compagnie minière australienne Resource House (6).

Les tensions entre la Chine et l’Australie ont ainsi eu des répercussions négatives sur un secteur clé du plus grand pays d’Océanie, premier exportateur mondial de charbon métallurgique et deuxième fournisseur de la Chine en 2019 et 2020 (environ un tiers des importations), après l’Indonésie. Jakarta joue toujours un rôle crucial dans la sécurité houillère chinoise en 2021 et 2022, mais l’Australie a été reléguée au second plan, derrière la Russie et la Mongolie. La relation sino-australienne devait cependant s’améliorer après l’annonce par Pékin, en janvier 2023, de la levée partielle de l’interdiction. Plusieurs entreprises d’État de l’électricité et de la sidérurgie (Datang, Huaneng, China Energy et China Baowu Steel) ont reçu un avis des autorités pour importer de nouveau du charbon australien.

Les sanctions chinoises contre l’Australie ont en partie profité au Canada, étant également exportateur de ressources naturelles. En 2021, les exportations canadiennes de charbon bitumineux ont bondi de 66,26 % pour atteindre 7,62 milliards de dollars (US), au-dessus des niveaux de 2019. Comptant pour 46 % des exportations houillères du Canada, la Chine a dépassé en 2021 le Japon comme principale destination (7). La houille représente pour le Canada le premier produit d’exportation vers la Chine, après la pâte à papier et le fer. De manière similaire, le secteur des ressources énergétiques et minérales en Australie concentre les plus importants revenus d’exportation du pays vers la RPC : les minerais ferreux, le gaz naturel et l’or comptaient respectivement pour 67 %, 9,8 % et 3,7 % des exportations australiennes vers la Chine en 2021 (8).

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