Le récent épisode du corridor de Latchine est venu une nouvelle fois illustrer l’existence d’une géopolitique éminemment conflictuelle dans ces régions du Sud-Caucase où, depuis la disparition formelle de l’URSS et l’indépendance des trois républiques caucasiennes (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie), la région est déchirée par de multiples conflits mélangeant pêle-mêle irrédentismes, rivalités identitaires, ethniques, culturelles et religieuses, enjeux gaziers et pétroliers et volonté des puissances régionales (Iran, Russie et Turquie) de garder un contrôle complet ou partiel sur les différents espaces géographiques d’une région traversée de conflits souvent multiséculaires (2).
Le Conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies s’est une nouvelle fois réuni le 20 décembre 2022 pour traiter des questions de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et du Haut-Karabagh. De fait, depuis le 12 décembre 2022, le corridor de Latchine, seule voie d’accès entre l’enclave peuplée d’Arméniens du Haut-Karabagh et l’Arménie, est bloqué par des activistes azerbaïdjanais. Ces derniers affirment protester contre l’existence d’exploitations minières illégales et polluantes pour l’environnement régional et demandent leur fermeture aux autorités arméniennes du Haut-Karabagh pour prix de la levée de leur blocus. Or, dans un communiqué publié le 13 décembre, le Parlement du Haut-Karabagh, assemblée élue par les populations d’origine arménienne de cette enclave, a répondu que « les revendications et les actions des écologistes n’ont pas de justifications fondées, car aucune menace environnementale n’a été enregistrée pour les territoires azerbaïdjanais voisins et la population qui y vit au cours des trente dernières années », et qu’il ne s’agit là que « des actions provocatrices directement organisées par Bakou ».
De fait, les 120 000 habitants du Haut-Karabagh encore sous autorité arménienne sont pris en otage, le corridor de Latchine étant la seule voie de communication du Haut-Karabagh vers l’Arménie, car Bakou s’oppose à l’utilisation de l’aéroport civil de ce territoire. Le blocage de ce corridor par l’Azerbaïdjan a créé les conditions d’une grave crise humanitaire et, plus au-delà, d’une évidente reprise du conflit. Ce blocus s’inscrit en fait dans un cadre plus vaste d’un schéma militaire et d’épuration ethnique contre l’Arménie et les Arméniens.
Le Premier ministre arménien a exprimé sa profonde préoccupation, le 19 décembre 2022, concernant les pénuries des vivres et de produits élémentaires qui s’aggravent du fait de ce blocus : « Le peuple du Haut-Karabagh est jeté sur les routes dans le froid, les familles se retrouvent rejetées de part et d’autre du blocus… Les citoyens ayant de graves problèmes de santé sont privés de médicaments et de soins médicaux ».