Quelle est la situation au Burkina Faso actuellement ?
N. Hubert : Les violences couvrent 60 % du territoire burkinabé et le gouvernement a perdu une grande partie du contrôle de son territoire. Il n’y a eu aucune attaque religieuse ni attentat suicide. En revanche, le pays fait face à de nombreuses violences armées avec des revendications plus ou moins précises, concernant parfois certains enjeux très localisés qui touchent à la fois à la politique, à l’économie ou à la politique de développement menée par le gouvernement burkinabé.
La population est donc prise entre deux feux avec d’un côté les groupes armés qui accueillent une partie de la population motivée par une stratégie économique et de l’autre la violence des groupes représentant l’État. Cela entraîne des mouvements de population importants et de nombreux déplacés.
Comment peut-on expliquer l’influence du djihadisme au Burkina Faso ?
Aujourd’hui, il faut savoir que les questions de la religion et du djihad sont très peu présentes parmi les acteurs qui prennent part aux violences, parmi ceux qui sont exposés aux violences ou dans les motivations des nouvelles recrues qui rejoignent les groupes armés. En effet, nous parlons de groupes armés transnationaux au sein desquels nous trouvons parfois la notion de djihadisme international. Mais il s’agit avant tout d’une rhétorique propre aux leaders de ces mouvements, qui se positionnent par rapport aux dynamiques internationales.
Au Burkina Faso, la dimension religieuse est très peu présente et c’est également le cas dans les pays du golfe de Guinée, comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin. Il est possible de retrouver cette question de la religion — mais pas du djihadisme — au niveau d’une évolution de la perception de l’islam comme d’un syncrétisme rattaché aux structures politiques endogènes et coutumières. Dans cette vision, nous assistons plutôt à un rejet des autorités coutumières, qui sont parfois considérées comme proches des autorités étatiques, et pouvant mener à une accumulation des mécanismes de pouvoir et des rapports de domination au niveau local. Cela peut alors engendrer des crispations auprès des jeunes, qui vont être poussés à une rupture à l’encontre de l’État.
Les motifs qui amènent les nouvelles recrues à rejoindre les groupes armés sont donc essentiellement économiques, politiques ou sociaux, et parfois un rejet des politiques de développement ou une accumulation de griefs par certaines catégories de population au cours des dernières décennies.