C’est en 1969 que le comité central du Parti communiste soviétique décide de lancer le développement d’un nouveau moyen d’appui autopropulsé destiné à fournir aux troupes aéroportées (VDV, Vozdushno desantnyye voyska) un appui-feu indirect doublé d’une capacité antichar en tir tendu. À cette époque, de nouvelles missions dans la profondeur du dispositif otanien sont assignées aux VDV et plus particulièrement celle de la prise du « triangle du Palatinat », territoire situé à cheval sur les Pays-Bas, la Belgique, la France et l’Allemagne, dans le dos de plusieurs divisions blindées de la Bundeswehr.
Pour fournir un appui substantiel en tirs indirects, loin des pièces d’artillerie classiques du premier échelon, le mortier lourd M‑1943 de 120 mm tracté alors en service s’avère obsolète. Divers projets sont étudiés, mais tous ont avorté, dont celui du 2S2 Fialka (« Violette »), armé du canon 2A32 de 122 mm proposé dès février 1964. S’inscrivant dans le cadre du nouveau programme d’armements des VDV, le premier des trois prototypes du 2S2, dénommé Objet 924, est présenté sur un châssis chenillé du véhicule de transport d’infanterie BTR‑D aérolargable. Mais ce dernier révèle rapidement son incapacité à encaisser le recul du 2A32 et c’est un échec. Il est alors envisagé de doter les VDV du 2S1 Gvozdika, lui aussi armé du 2A32, qui équipe le premier échelon d’artillerie des forces terrestres. Cette idée est rapidement abandonnée, car avec plus de 15 t, le 2S1 ne peut être transporté dans le nouvel avion de transport Antonov An-12.
La solution du mortier
Les diverses solutions proposées aux unités aéroportées sont donc jugées non viables et une nouvelle voie est explorée, consistant à armer un châssis de BTR‑D, cette fois d’un mortier de 120 mm sous tourelle avec chargement par la culasse. Initialement, le développement du projet est confié au bureau d’études de l’institut central de recherche des machines de précision de Krymsk, celui des munitions au bureau GNPP Basalt et celui du mortier au bureau OKB‑9 de Sverdlovsk. À la suite d’une réorganisation interne, l’OKB‑9 refuse la poursuite des travaux qui sont alors transférés à l’usine 172 de Perm. Le châssis du BTR‑D comme ceux de la famille des BMD sont développés et produits à l’usine de tracteurs de Volgograd par l’équipe de l’ingénieur V. Gavalov, qui refuse de gérer l’intégration de la tourelle sur le châssis, qui elle aussi est transférée à l’usine 172.
En 1964, la firme française Thomson-Brandt lance la production de son mortier RT‑61 de 120 mm à canon rayé qui sera vendu dans 13 pays. D’après Thomson – Brandt, la munition tirée serait aussi dévastatrice qu’un obus de 155 mm. Cet argument de vente interpelle les dirigeants soviétiques qui ordonnent à l’institut central de recherche en ingénierie de précision TsNII Tochmash de Klimovsk, implanté au sud de Moscou, de développer un véhicule armé d’un mortier capable de tirer des munitions aussi efficaces que les munitions françaises. Débute alors une collaboration entre TsNII Tochmash (développement), GNPP Basalt et l’usine 172, devenue entre-temps Motovilikha. Un mortier de 120 mm dénommé 2A51 est présenté en 1976. L’arme développée par les ingénieurs Sharev et Piotrovsky impressionne, car elle peut remplir les fonctions de mortier, d’obusier et de canon antichar.
La production est lancée en 1979, afin de pouvoir installer au plus vite le 2A51 sur le châssis du BTR‑D. Le véhicule est alors dénommé 2S9 et les premiers exemplaires entrent en service en 1981 pour être immédiatement engagés en Afghanistan où leur efficacité et leur polyvalence sont louées. En 1985 débutent les travaux de deux modèles présentant un agencement revu qui permet de transporter 40 obus au lieu de 25. Le premier, le 2S9‑1 Sviristelka est destiné aux troupes de marine alors que le second, dénommée 2S9‑S, pour Samokhodnaya (autopropulsé), ira aux VDV. Le 2S9‑S est officiellement adopté par décision du comité central et du conseil des ministres no 630‑187 le 1er juillet 1990 et 452 exemplaires sont déployés au sein des VDV dans la partie ouest de l’URSS.
Au début des années 2000 est développé le 2S9M. Cette ultime version est dévoilée en 2003 et mise en service en 2007. Elle comporte de nombreuses améliorations, dont une conduite de tir entièrement nouvelle et un système de navigation inertiel. Un peu plus de 1 400 exemplaires vont être produits toutes versions confondues, dont quatre auraient été perdus au combat en Ukraine sur les 865 en service dans les forces russes. Une batterie de 2S9 se compose de six pièces épaulées par un VOA (véhicule d’observation d’artillerie), le 1V118 Reostat et plus récemment le 1V119 Spektr. Montés sur le châssis du BMD‑1, ils sont dotés de moyens optiques puissants, d’un calculateur balistique, d’un télémètre laser et du système de géolocalisation Glonass.