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Des drones de surveillance maritime endurants : pour quoi faire ?

Initialement consacrés aux missions de renseignement, les drones aériens (ou UAV : Unmanned Aerial Vehicule) remplissent leurs premières missions offensives à partir de 2001, lors des opérations américaines en Irak puis en Afghanistan. Les forces israéliennes, quant à elles, utilisent des drones armés depuis 2010. Dix ans après, une quarantaine de pays exploitent ces nouveaux armements, et l’avantage conféré par ces systèmes d’armes ressort avec le second conflit du Haut-Karabagh et plus encore depuis l’invasion de l’Ukraine.

Parallèlement, le conflit du Yémen suivi des opérations de harcèlement du trafic maritime dans le golfe d’Aden et en mer Rouge met en évidence l’importance accordée aux drones armés dans la stratégie indirecte de l’Iran et la stratégie militaire des Houthis. En moins d’un quart de siècle, ces véhicules aériens autonomes sont devenus capables de mener des attaques suicides ou de regagner leur base après avoir mis en œuvre des munitions de tous types (missiles air-sol, bombes lisses ou guidées, mines antipersonnel…). Bien que les missions de renseignement aéroterrestres demeurent prépondérantes (1), les UAV sont désormais amenés à jouer un rôle déterminant dans le domaine aéromaritime.

Des drones pour la surveillance maritime

Le renforcement simultané des tensions dans les mers des périphéries continentales (Baltique, mer Noire, Méditerranée, mer Rouge, mers de Chine, mer du Japon…) ainsi que l’intensification des affrontements hybrides à travers le monde imposent aux nations qui disposent d’intérêts et d’espaces maritimes à protéger ou à défendre – aux premiers rangs desquels figure la France – de connaître le plus précisément possible la situation et la circulation maritimes, dans les trois dimensions, concernant de vastes domaines dont ils assument la souveraineté et où ils garantissent la liberté de navigation ou encore l’application du droit maritime international.

La révolution numérique, accélérée par l’arrivée à maturité de l’intelligence artificielle (IA), couplée à l’avènement de technologies innovantes dans le domaine des UAV, rend accessible une capacité de connaissance de la situation maritime, en temps quasi réel. Ne pas l’exploiter revient à concéder un avantage stratégique à un adversaire potentiel ainsi qu’à abandonner un pan de souveraineté maritime à des alliés ou à des partenaires mieux équipés, sur les plans opérationnel et industriel.

Aujourd’hui, les UAV de surveillance maritime endurants (USM (2)) en service comme en cours de développement dans le monde permettent d’améliorer la densité d’un dispositif de surveillance maritime national étendu de la mer territoriale jusqu’à la haute mer, dans lequel chaque acteur de l’État conserverait son rôle, tout en contribuant à alimenter la connaissance d’une situation maritime tridimensionnelle et souveraine.

Tour d’horizon mondial

Les États-Unis et l’US Navy ont fait le choix de consolider leur connaissance de la situation maritime mondiale au moyen d’un UAV HALE (haute altitude longue endurance), le Northrop Grumman MQ‑4C Triton, version adaptée aux exigences de l’environnement marin du RQ‑4 Global Hawk de l’USAF. Le programme BAMS (Broad Area Maritime Surveillance) prévoit un parc de 68 Triton. À terme, les MQ‑4C seront déployés à travers le monde : Hawaï, Diego Garcia, Guam, Jacksonville, Sigonella en Sicile et Kadena au Japon. À l’exportation, seule l’Australie a, à ce jour, fait l’acquisition du MQ‑4C.

Les autres pays disposant d’USM utilisent actuellement des MALE (moyenne altitude longue endurance) pour répondre à leurs besoins opérationnels. C’est le cas de la Chine avec le TB001 Scorpion et le WZ‑7 Soaring Dragon (3), d’Israël avec les IAI Heron/Heron TP, de la Turquie avec le TAI Aksungur ainsi que de pays d’Amérique du Sud qui ont opté pour l’acquisition de drones Heron ou Elbit Hermes 900 adaptés.

Une nouvelle offre a émergé ces dernières années avec le MQ‑9B SeaGuardian de General Atomics, mis en œuvre par les garde-­côtes du Japon et par l’US Navy, et qui vient de participer à « RIMPAC 2024 », le plus grand exercice maritime multilatéral, conduit tous les deux ans par le commandement des forces américaines pour l’Indopacifique.

Actuellement, il n’existe pas d’UAV MALE embarqué à bord de porte-­aéronefs (4). Cependant, General Atomics a réalisé en novembre 2023 des essais d’embarquement de son drone Mojave sur le porte-­avions Prince of Wales britannique, et propose depuis peu une version embarquée de son MQ‑9B. Privée de F‑35B, la Turquie entreprend également de développer son propre drone navalisé, le Bayraktar TB3, pour une utilisation depuis le porte-­aéronefs Anadolu. Toutefois, si Ankara désigne ce dérivé du TB2 comme un drone MALE léger, ses caractéristiques connues en font plutôt un drone tactique.

À propos de l'auteur

Christophe Pipolo

Contre-amiral (2S), directeur de recherche au cabinet de synthèse stratégique La Vigie (www.lettrevigie.com).

À propos de l'auteur

Marc Grozel

Capitaine de frégate (R), expert drones (terre, air, mer et espace) pour Affinis Défense.

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