La population mondiale se concentre désormais dans les zones urbaines, puisque plus de la moitié de celle-ci y vit. Quelles sont les projections à l’horizon 2050 ? Une différence de dynamique sera-t-elle notable entre les villes du « Sud » et celles du « Nord » ?
Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation paradoxale. Jamais la population mondiale n’a été aussi nombreuse — plus de 8 milliards d’habitants — et jamais elle n’a été aussi concentrée dans les territoires urbains. En face, les territoires ruraux courent le risque d’être de moins en moins peuplés. En effet, les données de l’ONU montrent que, depuis 2008, la majorité de la population mondiale vit dans les villes à la suite d’une croissance de l’urbanisation, phénomène qui est voué à continuer dans les prochaines décennies pour plusieurs raisons.
D’abord, car l’économie tertiaire, toujours en développement, a des activités qui s’implantent essentiellement dans les villes. Ensuite, les activités agricoles doivent désormais répondre à des exigences de productivité qui induisent une réduction de la main-d’œuvre et par ricochet, une réduction des emplois en zones rurales. Si ces dernières ne parviennent pas à développer des activités industrielles, les actifs habitant les campagnes rejoignent les villes où sont concentrés les consommateurs, et où les possibilités d’emplois (formels comme informels) sont extrêmement variées.
Enfin, le développement de l’urbanisation est lié aux connexions nationales et internationales, cruciales pour les échanges économiques internationaux. Par exemple, on pourrait s’étonner du nombre important d’Indiens qui rejoignent Bombay, au risque d’habiter dans le bidonville le plus vaste du monde, Dharavi. Mais l’agglomération de Bombay, y compris ce vaste bidonville, offre un marché de l’emploi comportant de nombreuses opportunités dans les secteurs les plus variés et assume une forte production économique dont la commercialisation profite des connexions internationales de la mégapole.
En raison de ces processus d’urbanisation, à l’horizon 2050, les villes du Sud, comme Lagos ou Calcutta, ont de grandes chances de connaitre une croissance démographique plus importante que les villes du Nord, comme Paris, Londres ou Chicago. En effet, certains pays du Nord, mais aussi d’Amérique latine, dont les taux d’urbanisation dépassent déjà 70 %, ont des marges d’augmentation relativement faibles.
La croissance des villes s’explique-t-elle principalement par les nouveaux flux migratoires internes et internationaux ? L’accroissement démographique naturel est-il également un facteur déterminant ?
Le mouvement naturel, c’est-à-dire l’excédent des naissances sur les décès, et les flux migratoires qui viennent nourrir les villes sont effectivement les deux principaux « déterminants proches », en d’autres termes les raisons premières. Mais ils jouent de façon différenciée selon les villes, entre celles du Nord et celles du Sud.
Au Sud, on constate une combinaison intense des deux éléments. Les populations rurales ou celles de villes moyennes rejoignent effectivement les villes plus importantes. Mais certains de ces flux migratoires vers les grandes villes sont dus à des enjeux de sécurité. Ces dernières décennies, la croissance migratoire de certaines villes du Sud, de Bogota en Colombie, de Lima au Pérou, de Kaboul en Afghanistan ou encore de Kinshasa en République démocratique du Congo, ne peut pas être analysée sans comprendre les violences des guérillas rurales qui ont engrangé un climat d’insécurité poussant des populations à se réfugier en ville. Les flux migratoires internes de la campagne vers les grandes villes résultent donc d’une double problématique ; la recherche de meilleures conditions économiques et celle de meilleures conditions sécuritaires. Pour établir des projections démographiques, il faut ainsi prendre en compte l’existence de conflits géopolitiques internes et externes.