Dans les pays du Nord, deux principaux types de flux migratoires sont observés : les flux internes et les flux internationaux. Ces derniers participent à la croissance des villes dans la mesure où ils sont conséquents. En revanche, les flux migratoires internes sont, quant à eux, souvent défavorables à la croissance des grandes villes. En règle générale, les villes du Nord ont un solde migratoire interne négatif, c’est le cas pour la métropole du Grand Paris (ainsi que pour la région Île-de-France dans son ensemble). Chaque année, elle voit 42 000 personnes de plus qui la quittent que de personnes qui viennent y habiter (1). Son flux migratoire global est négatif et les nouveaux habitants résultent principalement des flux migratoires internationaux. Parfois, le niveau très négatif du solde migratoire est si élevé que de grandes villes voient leur population diminuer, comme, depuis le début des années 2020, Los Angeles (avant même les grands incendies de janvier 2025) ou San Francisco (2).
Le second déterminant proche est l’accroissement démographique naturel qui est globalement favorable à la croissance urbaine, dans la mesure où la composition par âge des villes est jeune. Ainsi, la proportion de personnes en âge de procréer est élevée, et ce facteur a pour conséquence un nombre de naissances significatif qui l’emporte sur le nombre de décès sur des territoires urbains où la proportion de personnes âgées est faible. Cette évolution vaut pour les villes du Sud, dont l’excédent naturel est surtout dû à la jeune composition par âge des migrants internes, comme celles du Nord, où cette jeune composition concerne surtout des migrants internationaux.
Dans quelle mesure les orientations politiques prises à un niveau national sont-elles déterminantes sur l’évolution d’une population urbaine ?
Si les déterminants proches (à savoir l’accroissement migratoire et l’accroissement naturel) expliquent en partie l’accroissement démographique des villes, il faut aussi observer l’influence des déterminants « lointains » (3). Cette catégorie comprend notamment les choix politiques appliqués, comme les plans nationaux d’aménagement du territoire qui sont de nature à modifier les taux d’urbanisation. On peut penser en premier lieu à la Chine qui, jusqu’en 1980, n’était nullement favorable à l’accroissement démographique de ses zones urbaines. Aucune mesure pour renforcer l’attractivité des villes n’était prise. Il faut attendre 1979 et les réformes économiques pour voir apparaitre un changement total de politique urbaine. À l’inverse de la politique de Mao, les autorités décident alors que les villes doivent être des lieux de compétitivité internationale pour dynamiser l’économie chinoise. Dès lors que les activités tertiaires et industrielles se sont développées dans les villes, le taux d’urbanisation du pays a rapidement augmenté.
Autre exemple significatif, Montréal, qui était historiquement la ville la plus peuplée du Canada, a vu, sous l’influence de décisions politiques, Toronto bénéficier d’une attractivité nationale et internationale nettement plus intense ces dernières décennies. En conséquence, la population de Toronto a connu une croissance démographique beaucoup plus élevée qu’à Montréal et, après s’être emparée de la première place des villes au Canada, elle a désormais une population supérieure de 45 % à celle de Montréal.
Au Brésil, Rio de Janeiro devançait nettement São Paulo en termes de nombre d’habitants. En 1964, Brasilia obtint le statut de capitale politique aux dépens de Rio de Janeiro, qui a vu son taux d’accroissement démographique ralentir à la suite de ce changement. Toutefois, en 2024, la population de Brasilia additionnée à celle de Rio de Janeiro reste inférieure à celle de Sao Paulo, ville devenue extrêmement attractive notamment pour les entreprises, comme l’illustre le transfert de la bourse du Brésil de Rio à Sao Paulo.
En matière de sécurité humaine, qui englobe l’accès au logement, à l’alimentation, à la santé et à l’éducation, quels seront les défis à relever pour des villes de plus en plus peuplées ? Une urbanisation croissante mène-t-elle inévitablement à une détérioration des conditions de vie des citadins ?
Sur cette question de sécurité, il faut généralement mettre à part les capitales politiques des pays en conflit car, dans le champ des relations internationales, il est considéré que qui tient la ville principale tient le pouvoir sur l’ensemble du territoire. En conséquence, les pouvoirs en place font en sorte d’assurer autant que possible la sécurité dans la capitale politique. Les exemples passés sont nombreux, mais plus récemment, on peut citer la Syrie. Celui qui tenait Damas, soit l’ancien président Bachar el-Assad, était considéré, par exemple dans les organisations internationales, comme celui qui gouvernait le pays, bien qu’en réalité, il n’exerçât pas un contrôle sur toutes les régions de la Syrie. Cette logique se vérifie en Afghanistan ou au Soudan. Le vainqueur de la guerre sera considéré comme tel lorsqu’il contrôlera complètement la ville de Khartoum, et ce alors même que l’ensemble du territoire soudanais ne sera pas sous sa coupe.
Quant à la question de savoir si une concentration de population sur un territoire relativement réduit se traduit automatiquement par une insécurité accrue, la réponse se trouve dans deux facteurs, à savoir le comportement des populations et la qualité de la gouvernance. Aujourd’hui encore, Tokyo reste l’agglomération la plus peuplée du monde. Or, dans cette ville, les habitants vivent dans un climat sécuritaire plus que favorable avec des comportements respectueux entre usagers dans l’espace public. En effet, Tokyo compte un taux de sécurité élevé (75,32), trois fois plus élevé, par exemple, que celui de Rio de Janeiro (24,74).