Les relations entre la Chine et les Territoires palestiniens s’inscrivent, depuis l’ère Mao Zedong (1949-1976), dans la volonté d’incarner une alternative à l’Occident dans le système international et, plus largement, dans la constitution des relations avec le monde arabo-musulman. Alors que la République populaire a développé des échanges économiques et technologiques toujours plus importants avec Israël à partir des années 1990, elle a conservé sa proximité avec l’Autorité nationale palestinienne (ANP) et l’Iran, et les massacres du 7 octobre 2023 – non condamnés explicitement par Pékin – et la guerre à Gaza n’ont pas modifié la vision chinoise au Moyen-Orient.
L’activisme diplomatique de Pékin lors de la conférence de Bandung (Indonésie) d’avril 1955 et de la Tricontinentale de La Havane (Cuba) de janvier 1966 a entretenu avec les Palestiniens des liens plus forts qu’avec les Israéliens (1). L’aura internationale de Mao Zedong, diffusée à travers les services spéciaux chinois et conceptualisée avec sa théorie dite des « Trois mondes », est bien accueillie par les factions politiques palestiniennes (2). La République populaire reconnaît même rapidement la Palestine comme « État » après sa proclamation, à Alger (Algérie), le 15 novembre 1988.
Une relation ancienne structurée par Mao Zedong
Si, durant la guerre froide, les relations avec l’État hébreu demeuraient limitées, notamment en raison des crises régionales (Suez en octobre-novembre 1956, guerres des Six Jours en juin 1967 et du Kippour en octobre 1973), lors desquelles Pékin soutenait les Arabes, dès la fin des années 1970, avec le rapprochement sino-américain et l’ouverture économique de la Chine, Israël accélère ses contacts avec le géant asiatique.
Dans la décennie 1960, Mao Zedong soutient la posture d’un État arabe palestinien, voyant dans l’existence d’Israël un miroir de la situation de Taïwan (3). En ce sens, Pékin a soutenu Yasser Arafat (1929-2004) et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et développé le dialogue avec le Fatah. Dès les années 1960 et 1970, le régime communiste chinois a appuyé le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP). Après l’admission de la République populaire aux Nations unies en 1971, les canaux diplomatiques se poursuivirent, comme l’illustre l’ouverture en 1974 d’une « ambassade » de l’OLP à Pékin, qui maintient, malgré son rapprochement avec Israël, des liens avec les voisins arabes (Syrie, Liban) et l’Iran. En 1975, la Chine soutient la résolution 3379 de l’Assemblée générale de l’ONU, qui définit le sionisme comme une « forme de racisme et de discrimination raciale ».
La période Deng Xiaoping (1904-1997), entre 1978 et 1989, marque un tournant. En s’alignant sur les accords de Camp David de septembre 1978, Pékin entre dans une nouvelle phase de sa politique au Moyen-Orient. La décennie 1980 voit la République populaire favoriser ses liens avec les États-Unis et Israël. La question palestinienne devient alors une variable d’ajustement dans ses priorités diplomatiques et stratégiques. Durant plusieurs années, les « affaires palestiniennes » de la Chine sont notamment menées depuis Tunis (Tunisie), où se trouve installée l’OLP en exil. Puis, au milieu des années 1990, elle envoie plusieurs diplomates dans la bande de Gaza, où elle ouvre un « bureau de représentation ». En 2004, il est transféré à Ramallah ; son directeur a rang d’ambassadeur. Le président de l’ANP, Mahmoud Abbas (depuis 2005), se rend plusieurs fois à Pékin, où les autorités considèrent le Hamas comme une entité terroriste.
En juin 2023, un « partenariat stratégique entre la Chine et la Palestine » est acté lors d’une rencontre à Pékin entre le président Xi Jinping (depuis 2013) et Mahmoud Abbas, dont la venue s’inscrit dans l’offensive diplomatique chinoise post-Covid-19 en direction du « Sud global » ; le président de l’ANP est d’ailleurs le premier leader arabe invité dans la capitale chinoise après la pandémie. La diplomatie chinoise poursuit sa stratégie en direction du monde arabo-musulman tout en rappelant rester prête à jouer un « rôle positif pour aider la Palestine à réaliser la réconciliation intérieure et promouvoir les pourparlers de paix ».
Depuis vingt ans, la Chine prend une place toujours plus importante dans les échanges commerciaux avec les Territoires palestiniens : en 2022, elle est leur troisième fournisseur de biens (7,4 %, avec une valeur de 670,8 millions de dollars) après Israël (52,3 % ; 4,7 milliards) et la Turquie (10 % ; 908,1 millions), devant la Jordanie (3,7 % ; 333,1 millions) et l’Égypte (3,3 % ; 302,2 millions). Plusieurs entreprises chinoises développent des relations par l’intermédiaire des marchés régionaux arabes, notamment par le truchement du Caire. Globalement, la montée en puissance commerciale (et diplomatique) de la République populaire au Moyen-Orient a un impact significatif dans le commerce local (biens manufacturés, électroménagers, vêtements, etc.). Le lancement des nouvelles routes de la soie en 2013 entraîne de manière périphérique une implication dans les territoires de Gaza (centrales électriques, infrastructures de développement). Des diasporas chinoises sont établies dans toute la région, notamment des commerçants et des ouvriers (4).