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Le Mexique républicain, proie des empires voisins au XIXe siècle

Les guerres civiles qui déchirent les républiques mexicaine et américaine dans les années 1850-1860 solidifient institutions, économies et forces militaires. Cela renforce graduellement le contrôle du territoire. Au nord comme au sud de la frontière, la répression est menée par des agents du gouvernement et des chasseurs de primes qui n’hésitent pas à s’en prendre aux femmes et aux enfants. De part et d’autre de la frontière apparaissent des camps militaires qui encadrent les relations entre les colons et les premiers peuples qui sont de plus en plus relégués à des réserves. En 1880, à la reddition du chef apache chiricahua Geronimo, il ne reste qu’environ 2 000 Comanches, une minuscule fraction de ceux qui contrôlaient le sud-ouest des plaines nord-américaines (18). Les Premières Nations influencent pourtant toujours la géopolitique nord-américaine. En 2020, dans le jugement « McGirt v. Oklahoma », la Cour suprême américaine a reconnu les droits des Cherokees sur près de la moitié de cet État, ce qui leur permet de mettre en place leur propre système administratif et judiciaire (19). Trop longtemps le rôle des Premières Nations dans la création des États d’Amérique a été minimisé. Aujourd’hui, de nouveaux acteurs profitent de l’instabilité du Mexique pour défier la frontière établie en 1848. Les cartels, au nom du commerce illicite qu’ils pratiquent, mènent une guerre à l’État mexicain et s’en prennent à la population du nord du pays, celle-ci étant prise en otage par des enjeux qui dépassent ses moyens, un peu comme au XIXe siècle (20).

Notes

(1) Voir à ce sujet ces deux films : The Alamo, le premier réalisé par John Wayne en 1960, et l’autre par John Lee Hancock en 2004. Ce mythe est encore vivant aujourd’hui. En 2020, des affrontements opposant des tenants du mythe — vêtus de gilets pare-balles et armés de fusils d’assaut — à des révisionnistes ont éclaté près du cénotaphe au sujet du projet de modernisation de l’Alamo. Voir Bryan Burrough, Chris Tomlinson et Jason Stanford, Forget the Alamo, Penguin Press, 2021, p. 307-343.

(2) Greg Grandin, The End of the Myth, Metropolitan Books, 2019, p. 88.

(3) Daniel Walker Howe, What Hath God Wrought: The Transformation of America, 1815-1848, Oxford University Press, 2007, p. 746.

(4) Brian R. Hamnett, A Concise History of Mexico, Cambridge University Press, 2019, p. 192-194.

(5) Peter Guardino, The Dead March: A History of the Mexican-American War, Harvard University Press, 2017, p. 168-171.

(6) Peter Guardino, op. cit., p. 49-50.

(7) Brian R. Hamnett, op. cit., p. 207.

(8) Pekka Hämäläinen, Lakota America: A New History of Indigenous Power, Yale University Press, 2019, p. 185-199.

(9) Pour la trajectoire des raids de 1840-1841, voir la carte #4 dans Brian Delay, War of a Thousand Deserts: Indian Raids and the U.S.-Mexican War, Yale University Press, 2008, p. 116.

(10) Note sur la dénomination des Premiers Peuples. La terminologie francophone traditionnelle est ici utilisée bien que celle-ci rende mal compte des noms qui différencient les premières populations d’Amérique. Le terme « comanche » par exemple, qui désigne un groupe parlant une langue uto-aztèque, est dérivé de kumatsi qui signifie en ute « ceux qui aiment se battre ». Ces derniers, tout d’abord attaqués par les Comanches, s’unissent avec eux contre d’autres peuples ainsi que les empires coloniaux occidentaux.

(11) Pekka Hämäläinen, The Comanche Empire, Yale University Press, 2009, p. 191.

(12) Brian Delay, op. cit., p. 164.

(13) La cause centrale de la révolte des migrants en provenance des États-Unis est le maintien de l’esclavage. Essentiellement d’origines sudistes, les migrants importent illégalement des esclaves et défient Mexico qui les a invités à repeupler le Texas vidé par les déprédations des Premières Nations. Contrairement au mythe, Mexico, mené par l’ancien président Antonio López de Santa Anna, est très conciliant mais dominé par l’idée que l’esclavage est immoral et devra être aboli après quelques années de transition.

(14) Pekka Hämäläinen, Indigenous Continent: The epic contest for North America (2022), p. 432.

(15) Daniel Walker Howe et al., op. cit., p. 754.

(16) Brian Delay, op. cit., p. 240.

(17) Brian R. Hamnett, op. cit., p. 201.

(18) Brian Delay, op. cit., p. 309.

(19) Rachel Monroe, « Promised Land », The New Yorker, 12 aout 2024. Version audio : « How tribal nations are reclaiming Oklahoma », 5 aout 2024 (https://​rebrand​.ly/​f​2​e​5​htj).

(20) James H. Creechan, Drug Wars and Covert Netherworlds: The Transformations of Mexico’s Narco Cartels, University of Arizona Press, 2021.

Légende de la photo en première page : Tableau représentant la bataille de Rio San Gabriel, dont la victoire des forces américaines contre les Californios fut décisive lors de la conquête américaine de la Californie mexicaine. Les Californios étaient des habitants de la Haute-Californie — province du Mexique dotée d’une grande autonomie qui sera cédée aux États-Unis lors du traité de Guadalupe Hidalgo en 1848 —, qui parlaient espagnol et dont le mode de vie et la culture furent altérés par l’annexion américaine et la ruée vers l’or. (© James Walker)

Article paru dans la revue Diplomatie n°130, « L’Union européenne face à ses défis », Novembre-Décembre 2024.

À propos de l'auteur

Francis Langlois

Professeur d’histoire au Collège d’enseignement général et professionnel de Trois-Rivières (Québec) et chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand (UQAM).

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