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Penser le cyber. Cyberopérations et haute intensité

Ce recours aux cyberopérations contre les infrastructures critiques en contexte de haute intensité invite à se pencher sur une troisième dimension de l’intensité : celle des dommages et des préjudices subis par les individus et les sociétés. Dans deux articles récents, Florian Egloff et James Shires invitent à ne pas se limiter aux seuls critères physiques et cinétiques de la violence des cyberopérations (10). Leur conception élargie inclut les préjudices directs intentionnels dont les effets sont psychologiques, affectifs ou communautaires. L’intensité des cyberopérations peut donc être élevée lors de la perte et de la destruction de données individuelles ou collectives, de la diffusion d’un sentiment de peur ou de négation identitaire dans un contexte de répression ou de surveillance, ou de l’interruption de services essentiels. Ainsi, une réflexion approfondie sur la relation entre cyberopérations et haute intensité met en lumière les défis normatifs, politiques et stratégiques auxquels doivent faire face l’ensemble des acteurs dans un contexte où la polarisation politique se déploie à toutes les échelles.

Notes

(1) John Arquilla et David Ronfeldt, « Cyberwar is Coming! », Comparative Strategy, vol. 12, no 2, 1993, p. 141 165.

(2) Pierre Thomas, « Experts prepare for an “electronic Pearl Harbor” », CNN, 7 novembre 1997.

(3) Richard Harknett et Max Smeets, « Cyber Campaign and Strategic Outcomes », Journal of Strategic Studies (en ligne), 2020 ; Lennart Maschmeyer, « The Subversive Trilemma: Why Cyber Operations Fall Short of Expectations », International Security, vol. 46, no 2, 2021, p. 51-90 ; Jill Kastner et William C. Wohlforth, « A Measure Short of War: The Return of Great-Power Subversion », Foreign Affairs, vol. 100, no 4, juillet-août 2021, p. 118‑131.

(4) Matthias Schulz, « Cyber in War: Assessing the Tactical, Operational and Strategic of Military Cyber Operations », 12th International Conference on Cyber Conflict, 2020, p. 183‑197.

(5) Nadiya Kostyuk et Yuri M. Zhukov, « Invisible Digital Fronts: Can Cyber Attacks Shape Battlefield Events? », Journal of Conflict Resolution, vol. 63, no 2, 2019, p. 317‑347.

(6) Joseph Henrotin et Stéphane Taillat, « What If Digital Technologies Fail on the Battlefield? » in Sten Rynning, Amelie Theussen et Olivier Schmitt (dir.), War Time: Temporality and the Decline of Western Military Power, Brookings Institution Press, Washington, Londres, 2021, p. 275‑289.

(7) Franz-Stefan Gady, « Manoeuvre vs Attrition in US Military Operations », Survival, vol. 63, no 4, 2021, p. 131‑148.

(8) Eric Schmitt et Tom Shanker, « U.S. Debated Cyberwarfare in Attack Plan on Libya », The New York Times (en ligne), 17 octobre 2011.

(9) David Sanger et Mark Mazetti, « U.S. Had Cyberattack Plan if Iran Nuclear Dispute Led to Conflict », The New York Times (en ligne), 16 février 2016 ; David Sanger, The Perfect Weapon: War, Sabotage and Fear in the Cyber Age, Crown Publishing, New York, 2018, p. 43‑47.

(10) Florian Egloff et James Shires, « The better angels of our digital nature? Offensive Cyber Capabilities and State Violence », European Journal of International Security (en ligne), 2021 ; « Offensive Cyber Capabilities and State Violence: Three Logics of Integration », Journal of Global Security Studies, vol. 7, no 1, à paraître en mars 2022 ; « Making Central the Concept of Violence to the Study of Offensive Cyber Operations », The Alert, 9 novembre 2021 (https://​offensivecyber​.org/​2​0​2​1​/​1​1​/​0​9​/​v​i​o​l​e​n​c​e​-​o​f​f​e​n​s​i​v​e​-​c​y​b​er/, consulté le 25 novembre 2021).

Légende de la photo en première page : Salve de K-9 sud-coréens. Les actions de haute intensité vont impliquer des aspects cyber à différents niveaux d’action. (© US Army)

<strong>Pour aller plus loin...</strong>
Article paru dans la revue DSI n°157, « Ukraine : prête à combattre ? », Janvier-Février 2022 

À propos de l'auteur

Stéphane Taillat

Maître de conférences à l’université Paris-VIII détaché aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, chercheur au Centre de géopolitique de la datasphère (GEODE) et au pôle « mutations des conflits » du Centre de recherche des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC).

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