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Les enjeux technologiques du SCAF

Prenons par étape une chaîne d’engagement typique, afin de montrer la difficulté à survivre face à l’émergence de menaces de plus en plus performantes, et les enjeux technologiques qui le permettent.

Cassez un élément de cette chaîne et vous aurez une chance de survie. Pour plus de sérénité, visez d’abord les premiers maillons de la chaîne… pour vous laisser l’occasion de briser un des suivants en cas d’échec… Illustrons ce premier tableau par quelques exemples historiques tirés de systèmes aériens :

Il n’est plus possible aujourd’hui de miser sur une tactique ou sur un seul élément de design pour espérer survivre pendant des décennies :

l’U-2 pouvait initialement voler au-­dessus de ses menaces potentielles, jusqu’à ce que l’adversaire trouve la parade ;

afin de bénéficier de l’effet de surprise, les premiers aviateurs pouvaient se cacher dans les nuages et/ou attaquer le soleil dans le dos. Cette tactique peut encore être d’intérêt de nos jours, mais ne saurait seule suffire face à un ennemi un tant soit peu équipé et sur le qui-vive.

Face à l’évolution des menaces, il nous faut à la fois rechercher :

la bonne performance dans chaque domaine (manœuvrabilité, furtivité, vitesse, capacités de détection…) face aux menaces ;

le bon compromis pour chacune des plateformes (aérodynamique, encombrement et consommation des capteurs, autonomie, endurance, capacités d’emport, polyvalence) ;

la capacité du système à durer, à se reconfigurer face à des menaces qui se multiplient (cyber, lasers…), se disséminent (achat par des puissances moyennes de systèmes performants, récupération par des bandes armées…) et s’adaptent (portée des missiles, puissance des capteurs…).

L’optimisation des capacités et des performances risque cependant d’être confrontée à la soutenabilité globale du système de systèmes. Ces éléments nous poussent à rechercher la complémentarité entre des plateformes aux caractéristiques différentes (habitées/non habitées, subsoniques/supersoniques,…) apportant chacune leur plus-­value. L’association de plusieurs types de plateformes rendra ainsi plus difficile l’adaptation de l’adversaire à notre système. Cependant, la mise en place d’un système basé sur une architecture multiplateforme amène des besoins technologiques en gestion de patrouilles hétérogènes, système de préparation de mission, intelligence artificielle, IHM… pour permettre entre autres de gérer la synchronisation et la complémentarité d’effets venant de plateformes aux cinématiques différentes.

Prenons l’exemple des patrouilles d’escorte de convois en Arctique lors de la Deuxième Guerre mondiale : aux menaces de surface et sous-­marines sont venues s’ajouter peu à peu les menaces aériennes. Cela a conduit les Alliés à faire évoluer la flotte d’accompagnement vers des navires de surface de plus en plus légers, mais nombreux, pour repousser plus efficacement les sous-­marins, mais aussi à ajouter de petits porte-­avions d’escorte, emmenant de l’ordre d’une dizaine d’appareils, permettant de repousser les attaques des Fw‑200 Condor allemands. L’apparition de cette classe de porte-­avions, bien trop petits pour que leur couverture aérienne puisse être assurée face à l’aéronavale japonaise dans le Pacifique, était sur les théâtres arctique et atlantique parfaitement adaptée, la menace aérienne y étant différente, ce qui permettait aussi, à coûts (humains, financiers,…) équivalents, de disposer de plus de navires. En outre, ces porte-­avions plus petits que dans le Pacifique étaient aussi plus rapides et plus simples à construire, et évitaient de mettre de trop nombreux œufs dans le même panier… relativisant l’opportunité pour les Allemands de faire sortir leur flotte de surface pour tenter de renverser le panier… D’une composition d’escorte comprenant principalement de gros navires de surface en début de guerre, les escortes au cours du conflit se sont orientées vers une combinaison de bâtiments plus légers (contre les sous-­marins), de bâtiments lourds (contre les navires ennemis) et de porte-­avions d’escorte (contre les navires de surface et les menaces aériennes). C’est de la combinaison de plateformes que viendra notre salut face aux futures menaces.

… pour garder la supériorité opérationnelle

Le but des technologies précédemment évoquées est bien de permettre à des plateformes alliées d’être en mesure de conserver la supériorité opérationnelle, notamment par la maîtrise de fonctions essentielles aux opérations aériennes permettant :

de détecter, de reconnaître, d’identifier, de localiser des menaces et cibles potentielles, puis d’évaluer les effets d’un éventuel tir. Dès lors, les enjeux technologiques associés portent principalement sur les capteurs optroniques, radiofréquences et de guerre électronique et sur la collaboration entre plateformes ;

d’effectuer des tirs sur ces cibles. Les enjeux technologiques associés portent principalement sur les conduites de tir, les aspects de navigation précise en environnement brouillé (sans GPS) et, pour les munitions, les aspects de miniaturisation, de tenue aux températures et aux accélérations élevées, de pyrotechnie, de maîtrise de l’hypervélocité ;

de partager en temps réel des données fiables et à jour (exemple : la situation tactique) et d’assurer des fonctions de C2 déléguées. Les enjeux technologiques associés portent principalement sur les communications à haut débit, à faible probabilité d’interception.

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