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L’agriculture assoiffe-t-elle l’Amérique du Nord ?

Le continent nord-américain est richement doté en ressources hydriques. Pourtant, cette région du monde est régulièrement confrontée à des sécheresses chroniques qui sont de plus en plus sévères. Cette situation s’explique-t-elle uniquement par les conséquences du changement climatique ?

Cette question renvoie à une différence importante entre la rareté de l’eau et la sécheresse. La sécheresse correspond à un écart entre la disponibilité de l’eau par rapport à une moyenne, essentiellement à cause d’un déficit de précipitations, contrairement à la rareté de l’eau, surtout si celle-ci est provoquée par des activités humaines. En Amérique du Nord, dans l’Ouest des Rocheuses, dans des États au climat semi-désertique, comme la Californie ou l’Arizona, il existe de nombreux fleuves et des aquifères très richement dotés. L’eau n’est pas si rare. C’est d’abord le fait d’une demande élevée, essentiellement de la part du secteur agricole, qui provoque les tensions sur la gouvernance de l’eau. Il s’agit ainsi de tensions induites par l’activité humaine, à l’origine d’une rareté relative, plutôt que d’une rareté absolue.

En parallèle, le changement climatique est un paramètre qui prend de plus en plus d’importance. Que des sécheresses surviennent de manière naturelle, comme dans l’Ouest américain, c’est un fait. En revanche, l’accélération de la fréquence des sécheresses observée depuis une trentaine d’années dépasse le cadre de l’aléa climatique. Ces modifications sont effectivement imputables au changement climatique et se superposent aux difficultés de gouvernance de la ressource en eau.

Quel est l’état réel de la disponibilité en eau en Amérique du Nord, au Canada, aux États-Unis et au Mexique ?

Les problématiques liées à la rareté relative de l’eau, c’est-à-dire l’écart entre la demande actuelle et les ressources disponibles, se trouvent principalement dans l’Ouest canadien, dans l’Ouest américain et au Nord du Mexique, où la présence d’un climat semi-aride se combine avec le développement d’une demande très importante. Une nouvelle fois, la rareté de l’eau en Amérique du Nord n’est pas tant liée aux activités urbaines ou industrielles. L’agriculture demeure le secteur où la demande en eau est la plus élevée (en particulier dans l’Ouest américain, où l’agriculture est à l’origine de 80 % de la consommation d’eau). Face à l’enjeu de taille, comment satisfaire l’ensemble de la demande ? Pendant longtemps, les réponses apportées se matérialisaient avec des projets de construction de réservoirs ou de transferts d’eau massifs.

La Californie enregistrait récemment un record historique de sécheresse. L’État le plus riche des États-Unis doit aussi faire face à des inondations destructrices et pallier un défaut de moyens de stockage des eaux des précipitations. Quelles sont les conséquences et les perspectives pour l’économie californienne ?

Paradoxalement, la Californie alterne entre des inondations, qui peuvent être extrêmement destructrices, et des épisodes de sécheresse relative, ou d’aridité. Au fil des décennies, la capacité de stockage de la Californie s’est renforcée avec des réservoirs, dont des dizaines et des dizaines de barrages de toutes tailles qui se sont construits. À présent, la question est de comprendre si ces réservoirs suffisent pour satisfaire l’ensemble de la demande, dans un contexte d’aridité, voire de sécheresse. Avec des sols de plus en plus secs pour assurer les cultures, il faut prélever de plus en plus d’eau. La question « Faut-il créer de nouveaux réservoirs ? », a donc été relancée.

N’oublions pas que le changement climatique n’affecte pas uniquement les chaleurs et les sécheresses dues au manque de précipitations en été, il change également la façon dont l’eau s’accumule dans les montagnes en hiver. Auparavant, la neige s’accumulait tout au long de l’hiver avant de fondre au printemps. L’eau de fonte était ainsi disponible au printemps et au début de l’été, précisément au moment où les besoins sont les plus forts pour les cultures. À présent, sous l’effet du changement climatique, la neige tombe de plus en plus souvent sous forme de pluie et ruisselle immédiatement en hiver, sans plus attendre le printemps. Un décalage temporel est créé dans l’écoulement de la ressource en eau.

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