Magazine Diplomatie

Entre l’Algérie et le Maroc : un face-à-face militaire ?

Pendant presque vingt ans, la situation du territoire est restée figée. Le référendum s’est enlisé alors que des crises politiques chez les Sahraouis limitaient leur capacité d’action. La guerre civile algérienne n’arrangea rien car le pouvoir algérien se replia sur la survie. Depuis quelques années, le réarmement algérien, rendu possible par la remontée du prix des hydrocarbures et l’élimination de la menace intérieure, a permis de relancer l’intérêt pour la cause de la RASD. La question sahraouie est devenue un enjeu de politique interne en Algérie. L’armée en a fait aussi une cause sacrée.

Conclusion : une paix armée ?

La période Bouteflika a été celle d’un réarmement massif de l’Algérie, devenue la deuxième armée d’Afrique (11). Des achats d’armements colossaux à la Russie ont fait progresser ses capacités militaires dans tous les domaines. En face, le Maroc — ne pouvant pas s’aligner au niveau financier — joue la carte de la qualité et s’approvisionne, surtout aux États-Unis, en matériel de très haute technologie. Les nombreuses coopérations de ce pays visent également à mettre les armées à la pointe de la technologie. Dans cet environnement militarisé, il n’y a pas d’ouverture de paix prévisible. Le nouveau gouvernement algérien s’est engouffré dans le dossier sahraoui pour renforcer, si besoin était, sa légitimité en revenant aux fondamentaux et le Maroc a lancé une offensive diplomatique tous azimuts pour bétonner sa position politique. Au milieu, des accrochages commencent à se produire, impliquant d’un côté la RASD et de l’autre les forces marocaines. La volatilité de la situation stratégique mondiale et, dans l’affaire ukrainienne, la réhabilitation de l’usage de la guerre par la Russie comme règlement des contentieux peuvent faciliter la libération de volontés jusqu’alors contenues par un environnement international juridique et politique positif. Le face-à face-va donc continuer…

<strong>Algérie VS Maroc</strong>

Notes

(1) Voir, entre autres, Michel Foucher, Fronts et frontières : un tour du monde géopolitique, Paris, Fayard, 1991, p. 207-211.

(2) Hassan II & Éric Laurant, La mémoire d’un Roi : entretiens avec Éric Laurent, Paris, Plon, 1993.

(3) « Algérie : Constitution de 1996 (version consolidée du 30 décembre 2020) », Digithèque MJP (https://​mjp​.univ​-perp​.fr/​c​o​n​s​t​i​t​/​d​z​2​0​2​0​.​htm).

(4) Jean-Pierre Dufau, « Rapport autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire », Assemblée nationale, 7 novembre 2012 (https://​www​.assemblee​-nationale​.fr/​1​4​/​r​a​p​p​o​r​t​s​/​r​0​3​4​3​.​asp).

(5) Voir Salim Chena, « L’Algérie : de la puissance idéologique à l’hégémonie sécuritaire », in Mansouria Mokhefi & Alain Antil, Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés, IFRI, CNRS éditions, Paris, 2012, p. 19-37 (https://​books​.openedition​.org/​e​d​i​t​i​o​n​s​c​n​r​s​/​2​2​8​3​6​?​l​a​n​g​=fr).

(6) Abdennour Benantar, « Sécurité aux frontières : portée et limites de la stratégie algérienne », L’année du Maghreb, 14, juin 2016, p. 147-163 (https://​journals​.openedition​.org/​a​n​n​e​e​m​a​g​h​r​e​b​/​2​7​1​2​?​l​a​n​g​=ar).

(7) Jean-François Daguzan, Le dernier rempart ? : forces armées et politiques de défense au Maghreb, Publisud-FMES-FED, Paris, 1998, p. 138.

(8) Brahim Saidy, « La politique de défense marocaine : articulation de l’interne et de l’externe », Maghreb-Machrek, n°202, hiver 2009-2010, p. 124 (https://​www​.cairn​.info/​r​e​v​u​e​-​m​a​g​h​r​e​b​-​m​a​c​h​r​e​k​-​2​0​0​9​-​4​-​p​a​g​e​-​1​1​5​.​htm).

(9) Leila ou Perejil (persil) selon que l’on parle du Maroc ou d’Espagne. Pour la dimension historique et politique, voir Yves Zurlo, Ceuta et Melilla : histoire, représentations et devenir de deux enclaves espagnoles, L’Harmattan, Paris, 2005.

(10) Du nom de l’ancien secrétaire d’État américain, James Baker III, chargé de la médiation par l’ONU. Voir Lucile Martin, « Le dossier du Sahara occidental », Les Cahiers de l’Orient, 2011/2, n°102, p. 43-57 (https://​www​.cairn​.info/​r​e​v​u​e​-​l​e​s​-​c​a​h​i​e​r​s​-​d​e​-​l​-​o​r​i​e​n​t​-​2​0​1​1​-​2​-​p​a​g​e​-​4​3​.​htm).

(11) « Le Maroc 55e puissance militaire au rang mondial », Challenge, 21 janvier 2022 (https://​www​.challenge​.ma/​l​e​-​m​a​r​o​c​-​5​5​e​m​e​-​p​u​i​s​s​a​n​c​e​-​m​i​l​i​t​a​i​r​e​-​a​u​-​r​a​n​g​-​m​o​n​d​i​a​l​-​2​3​1​1​43/).

<strong>Pour aller plus loin...</strong>
Article paru dans la revue Diplomatie n°115, « Algérie / Maroc : vers un inévitable affrontement ? », Mai – Juin 2022.
0
Votre panier