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Avions de 5e et de 6e génération : entre réalité technologique et arguments marketing

Toutefois, à moins d’orienter le futur de l’aviation de combat vers des domaines inaccessibles aux avions actuels, comme par exemple la très haute atmosphère, voire la limite de l’espace, ou encore les vitesses de croisière hautement supersoniques, voire hypersoniques, et à moins d’imaginer une généralisation de nouvelles armes révolutionnaires, comme des lasers de combat demandant une génération de puissance électrique inatteignable actuellement, il n’est aucun système de défense aérienne intégrée qui nécessite impérativement le remplacement rapide de tous les chasseurs aujourd’hui en service ou en production par un tout nouvel avion de combat. C’est pourquoi il est déjà prévu que les nouveaux systèmes développés pour le SCAF seront considérés comme des briques technologiques dont l’avion n’est qu’un porteur. D’ailleurs, dans une logique de système de systèmes, les avions de combat ne seraient que des effecteurs parmi d’autres, qu’ils soient aéroportés, basés au sol ou placés en orbite. Ainsi, les Rafale (et peut être les Eurofighter Typhoon allemands) seraient dotés d’une partie des systèmes du SCAF, et seraient pleinement intégrés au « système de systèmes SCAF », via le cloud de combat. Les nouveaux appareils qui pourraient être conçus et construits spécifiquement pour ces systèmes de 6e génération auraient l’avantage de pouvoir intégrer nativement l’ensemble des briques technologiques, et disposeront de performances dynamiques (vitesse, altitude, autonomie) mieux adaptées au contexte opérationnel du moment. Mais, plus chers et plus lourds, ils seront probablement aussi moins nombreux, et ne pourront être pleinement opérationnels que s’ils opèrent dans un réseau maillé mettant en œuvre des avions de mission, des drones de détection et de combat et… des chasseurs d’ancienne génération modernisés. Dans le cadre du programme NGAD, l’USAF a ainsi récemment confirmé l’acquisition de 1000 drones d’accompagnement CCA, qui opéreront au profit de 200 chasseurs d’un nouveau type, mais aussi aux côtés de 300 F-35A, dans un premier temps. Dès lors, peut-on encore parler de nouvelle génération d’avion de combat lorsque l’on parle du NGF (l’avion piloté du SCAF) ou du F/A‑XX (l’avion piloté du NGAD de l’US Navy), sachant que ces vecteurs ne seront que des briques au sein d’un système de systèmes complexe et évolutif ? Il y aurait peut-être plus de sens à parler de systèmes de 6e génération, plutôt que d’avions de 6e génération.

« 6 génération »

En mettant de côté tout ce qui vient d’être écrit sur la difficulté de définir précisément ce qu’est une génération, et même en revenant aux discours les plus « simplistes », il n’existe pas aujourd’hui de définition claire de ce que seraient les capacités d’une aviation de combat de 6e génération. Si des chantiers sont aujourd’hui ouverts, ils sont essentiellement prospectifs. Cela peut se comprendre, car personne n’a encore défini à quoi ressemblera le futur champ de bataille dans la troisième dimension.

La méfiance doit donc être à l’ordre du jour lorsque sont évoquées des évolutions possibles. Au mieux, on peut dire sans mal que le futur de l’aviation de combat sera ultraconnecté, ce qui est l’évolution qu’a empruntée le champ de bataille depuis l’avènement de la radio jusqu’à l’usage systématique de la Liaison‑16, avec des nœuds de détection et de communication que sont les AWACS. Le programme F‑35 a porté beaucoup d’attention à la communication intrapatrouille, permettant d’établir de nouvelles tactiques de combat. Naturellement, l’évolution des communications, des réseaux et des moyens de traitement de l’information va permettre le traitement de quantité de données dans une proportion qui fera passer les ordinateurs embarqués actuels pour de vulgaires calculatrices. La discrétion électromagnétique sera sans aucun doute améliorée, ainsi que la fusion des données et l’intégration tactique dans le champ de bataille aussi bien aérien que naval et terrestre (voire spatial). Les senseurs actifs aussi bien que passifs vont connaître des améliorations technologiques déjà en partie identifiées. Pour ce qui concerne les armements, les lasers de puissance ou les armes à impulsion électromagnétique pourraient pointer le bout de leurs faisceaux dans les prochaines décennies.

Dans les domaines qui nécessitent une véritable rupture technologique, comme les très hautes vitesses et altitudes, nous assistons à une certaine forme d’attentisme. Le premier pays qui sera capable de défricher ces domaines de vol devra trouver des solutions inédites et supporter un coût de développement faramineux. Mais si la ou les solutions deviennent réalistes, alors tous les ennemis et/ou concurrents devront le rattraper, sans quoi une armée pourrait être en mesure d’évoluer dans un milieu sans être inquiétée par des menaces devenues obsolètes.

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