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Le renouveau du missile sol-sol en Europe

Du côté français, MBDA et Safran présentaient une première ébauche d’un système national répondant au futur appel d’offres pour le premier incrément du FLP‑T et pour l’instant baptisé Thundart. Cependant, de nombreux choix ne sont pas encore arrêtés, comme ce qui touche à la suite de guidage – qui va cependant utiliser des briques issues de l’AASM et offrir une capacité d’action même en situation de privation de GPS ; un avantage non négligeable par rapport à d’autres solutions. De même, le calibre de l’arme n’a pas encore été défini, mais il y en aurait de quatre à six par panier de lancement. Si le programme a déjà reçu 180 millions d’euros, l’effort principal n’est pas encore lancé dans un contexte où Thales et Arianespace travaillent également sur un concept dans le même segment. Surtout, un deuxième incrément va également apparaître, avec cette fois, une portée de 500 km.

Dans ce dernier cas, MBDA planche déjà sur le sujet, non seulement avec la version à lancement terrestre du MdCN, mais aussi avec deux programmes de missiles de croisière pour l’Allemagne (JFS‑M, pour Joint fire support-missile, d’une portée de 499 km) et le Royaume – Uni, pour des cibles respectivement fixes et mobiles. Dans le cas du Land precision strike britannique, la portée est cependant réduite à 150 km. Il était par ailleurs intéressant d’observer une sorte de substitution industrielle aux oublis étatiques : MBDA estime ainsi nécessaire de disposer d’une couche d’interopérabilité, notamment au niveau des systèmes de conduite de tir alors qu’il ne s’agit pas expressément de demandes nationales. En effet, si l’Ukraine a bien démontré quelque chose, c’est qu’une armée dans le besoin peut avoir à utiliser une très large gamme de munitions, nécessité faisant loi. L’interopérabilité devient donc fondamentale.

Or les grandes manœuvres ont déjà commencé et leurs implications sont budgétaires, industrielles et stratégiques. Toujours lors du salon Eurosatory, le vice – président de Lockheed Martin indiquait que ses munitions, ER‑GMLRS, GMLRs et PrSM, ne seraient pas compatibles avec le lanceur Euro-PULS pour lequel Elbit s’est associé à KNDS et qui vise, comme le GMARS de Lockheed et Rheinmetall, le futur marché allemand de 36 lanceurs. De quoi tordre le bras à Berlin et à d’autres clients européens potentiels, sachant que les munitions américaines sont également compatibles avec les lanceurs Homar‑K/Chunmoo du futur plus gros utilisateur de lance – roquettes multiples en Europe…

Notes

(1) Cédric Perrin et Jean-Marc Todeschini, « Ukraine : un an de guerre. Quels enseignements pour la France ? », Rapport d’information no 334 (2022-2023), 8 février 2023.

(2) Le distinguo entre missile et roquette se situe dans leur guidage. Or, les M‑31 sont guidées et offrent une bien meilleure précision terminale que virtuellement tous les missiles surface-surface de la guerre froide.

(3) Philippe Langloit, « Artillerie : défaite en rase campagne pour l’industrie européenne ? », Défense & Sécurité Internationale, no 168, novembre-décembre 2023.

(4) En l’occurrence, les systèmes « européens », mais d’origine israélienne, comme l’Euro-Spike, n’ont pu être donnés à l’Ukraine en vertu des blocages de Jérusalem.

(5) Voir Philippe Langloit, « K239 Chunmoo. Séoul revisite le MLRS », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 87, décembre 2022-janvier 2023.

(6) Sur le système : Jean-Jacques Mercier, « Aller loin sans perdre en masse : l’artillerie du XXIe siècle », Défense & Sécurité Internationale, hors-série no 69, décembre 2019-janvier 2020.

(7) Un Block 2, doté de 13 sous – munitions BAT (Brilliant anti – tank) a également été envisagé dans les années 1990, mais a été abandonné ; tout comme une version antinavire, qui n’a pas été développée.

(8) Philippe Langloit, « La famille M‑270/M-142, levier de puissance ukrainien », Défense & Sécurité Internationale, no 161, septembre-octobre 2022.

Légende de la photo en première page : En cours de remplacement par le PrSM, l’ATACMS sera-t-il livré en plus grand nombre à l’Ukraine ? (© DoD)

Pour aller plus loin...
Article paru dans la revue DSI hors-série n°97, « Défendre l’Europe : le défi de la remontrée en puissance », Août-Septembre 2024.
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